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LE SCANDALE DU GAZON BLEU

— Si, si ! Richard, joins tes instances aux miennes ! Attendez d’abord, je vais goûter… Il est merveilleux ce vin ! Là élevez vos coupes…

— Non, je vous assure, dit Dominique.

Mais Patrice lui faisait signe d’accepter. Elle prit la coupe.

— À l’amitié, proclama Antoine. Il faut boire jusqu’au bout.

Tous obéirent. Antoine insista tant que pour la seconde fois les coupes furent remplies et taries.

Une seconde bouteille se vida comme la première. Malgré ses protestations Dominique n’avait pu se défendre d’en prendre une petite part. Du reste la griserie légère qui par l’effet du champagne succédant au kummel commençait à l’envahir avait rendu, moins vive, à la fin, sa défense. Elle se trouvait bien et gaie. Quant aux trois hommes, très sobres d’ordinaire, un commencement d’ivresse rendait Antoine bavard, Richard sombre et Patrice presque folâtre, ce qui ne cadrait pas avec le sérieux habituel de son caractère.

— Mais il est plus de minuit, il faut partir, dit-il tout à coup se ressaisissant pour un moment.

— Ça va, on part, répondit Antoine d’une voix un peu pâteuse. Si vous voulez, je conduis. Les chemins par ici je les connais comme ma poche !

— Oui, c’est cela, dit Dominique. Richard montera devant près de vous. Nous irons tous les deux dans le fond, ajouta-t-elle, en serrant à la dérobée la main de Patrice qui, à ce léger et tendre contact, eut un petit frisson.

Antoine fit sortir sans encombre la voiture du jardin, Richard descendit pour refermer la grille et remonta près de son camarade. On s’enfonça dans l’ombre moite et tiède, piquée des rares lumières de l’électricité au bord de la route, sous un ciel lourd où s’accentuait, une vague et lointaine menace d’orage.

Sur la banquette du fond, Dominique avant rejeté son léger manteau se serrait, alanguie et énervée, contre son mari. La nuit la caressait d’une douceur voluptueuse. Elle se sentait troublée et c’était délicieux. Sur son corps, sur sa gorge, la main de Patrice errait, s’appuyait, éveillait l’émoi de la chair frémissante sous la mince étoffe. Patrice se pencha, cherchant la bouche rouge, entr’ou-