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LE SCANDALE DU GAZON BLEU

le meilleur. Il faut l’admettre… cependant, cependant… que de points troubles !… que de contradictions !… Ah ! il ne nous quittera jamais, ce doute !…

Dominique, douce, patiente, répondit :

— Ce doute ?… Alors tu doutes et tu prétends m’aimer !… Mais si tu ne penses plus à ce doute, si tu ne l’entretiens pas en toi, en nous, il s’évanouira de lui-même. Dans la foi religieuse des croyants les plus ardents, n’y a-t-il pas, malgré tout, une part de doute, de complaisance et d’aveuglement ? Il faut croire sans juger, il faut croire parce que c’est absurde ! Il ne faut pas voir, pour l’Église, les petites faiblesses de la doctrine, et les erreurs, les contradictions… tout ce qui est inhérent à la faillible nature humaine !…

« Soyons comme les croyants, Patrice. N’ayons pas l’orgueil démesuré, le désir inhumain et mortel de vouloir connaître le fruit amer de l’arbre du Bien et du Mal. Ne soyons pas intransigeants en face de la vie, en face de la foi… d’une foi sans laquelle nous ne pouvons vivre. Pas d’orgueil, Patrice, pas d’efforts dérisoires et vaniteux vers une logique inatteignable, vers un absolu qui n’est pas de ce monde. Le chemin est devant nous, droit, riant, heureux. Prenons-le. Quittons à jamais la voie tortueuse, sombre, pleine de nuées malsaines, pleine de boue, pleine d’ornières où nous nous sommes trop longtemps obstinés. Le chemin est là. Prenons-le tous deux la main dans la main. La raison nous y pousse et elle est d’accord avec notre bonheur futur. Pourquoi empoisonner notre existence ? L’établir, ou la détruire plutôt, en nous basant sur des sensations. Oublions toutes ces folies, reprends-moi. Ah ! mon amour, je te sens à moi, tout à moi… tu es doux et câlin. Va jusqu’à toucher mon cœur, pour confondre son rythme avec le tien. Et taisons-nous, Patrice, taisons-nous… aimons-nous… ce sont les minutes solennelles de grand silence.

Ils s’aimèrent religieusement, gravement, comme l’avait souhaité Dominique… avec fougue aussi, avec l’emportement de leur jeunesse, de leur mutuelle passion retrouvée…

Dès lors, Patrice ne souffrit plus. Il n’appuya plus, avec un per-