Page:Leblanc - Le Scandale du gazon bleu, 1936.djvu/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
LE SCANDALE DU GAZON BLEU

rien ne lui résistait ! Il avait la gloire et il avait les femmes.

Quand le jeune avocat revint de province avec la merveilleuse Dominique qu’il venait d’épouser, Antoine et Richard l’admirèrent plus encore d’avoir su conquérir l’amour de cette belle créature pure et fière. Aucune envie jalouse ne se mêlait à leurs sentiments. Patrice était un homme supérieur aux autres hommes, c’était bien juste qu’il eût été choisi par une femme supérieure aux autres femmes… Mais Antoine et Richard, en dépit de leur amitié pour Patrice, en dépit de leur loyauté ne pouvaient se défendre contre l’attirance amoureuse qui émanait de Dominique. Sans même oser se l’avouer nettement à eux-mêmes, ils la désiraient ; leurs conquêtes faciles d’une nuit ou d’une semaine, leur semblaient plus encore vulgaires et fades depuis que les liens d’une camaraderie assidue leur permettaient d’approcher presque quotidiennement Dominique dont le charme exceptionnel, plus valable d’être réservé et comme involontaire, de devenir sensuel seulement par éclairs, dans des moments d’admiration, agissait puissamment sur eux. Sincères amis de Patrice, ils étaient de caractère loyal et d’esprit net et franc, mais ils étaient aussi des hommes et la tentation était si forte qu’ils n’avaient pu se défendre d’y céder par la pensée. Ils désiraient l’éblouissante jeune femme, ils brûlaient pour elle d’une passion qui, sans espoir, s’enfiévrait. Jamais ni par un mot, ni par un geste, ils n’avaient ni l’un ni l’autre, décelé cette passion, trop sûrs que la fière et sincère Dominique ne l’admettrait pas et que ce serait le signal d’une rupture complète de cette intimité qui leur était très chère. Les soins empressés, les galanteries voilées dont tous deux entouraient la jeune femme restaient en apparence sans aucune équivoque. Dominique était à cent lieues de soupçonner le désir des deux hommes qui rôdait autour d’elle, qui épiait les formes de son corps dessinées par la robe, le parfum de sa chair montant du décolletage. Dans sa droiture candide, elle s’en fût offensée comme d’une trahison envers Patrice. Celui-ci pourtant était trop fin, trop perspicace pour n’avoir pas deviné les sentiments si soigneusement cachés de ses deux amis, mais il ne s’en inquiétait pas. C’était un hommage rendu à la séduction de sa femme. Qui donc pouvait approcher Dominique sans subir l’emprise de cette séduc-