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LA FEMME D’UN SEUL HOMME

— Il nous l’a dit lui-même, répondit Patrice.

— En somme, par sa visite, il a voulu marquer la fin du combat. Il nous tendait le rameau de paix.

— Crois-tu ? dit amèrement Patrice. Tu n’as donc pas compris le sens de ses dernières paroles ? Il triomphe… Il a agi envers nous plus cruellement qu’il ne l’avait fait jusqu’alors. Oui, les hostilités sont finies, et nous avons la clémence, le pardon de ce policier, et j’ai dû lui serrer la main ! Moi, un Patrice Martyl, trembler devant un Delbot ! Non, c’est à mourir de rire !

Il allait de long en large dans la pièce ; et comme un fauteuil se trouvait sur son passage, il le repoussa brutalement.

— Patrice, mon chéri, calme-toi, dit Dominique. Qu’est-ce que ça peut nous faire, un Delbot ! Ne vois que la vie nouvelle qui va s’ouvrir devant nous, maintenant que l’affreux cauchemar est fini.

— Voilà bien les femmes ! s’écria Patrice sarcastique. Parce que tu ne crains plus rien matériellement, plus rien ne compte pour toi, n’est-ce pas ? Tu as tout oublié ?

— Oh ! Patrice, dit Dominique avec reproche, ce que tu dis n’est pas juste. Mais nous sortons d’une torture de six mois, dont la visite de ce policier de malheur nous libère !

— D’un bout à l’autre, en somme, il a fait son devoir, constata Patrice. C’est un honnête homme. Il ne nous hait plus, maintenant qu’il vient d’assouvir sa rancune, qu’il vient de nous punir.

— Je ne comprends pas, dit Dominique.

— Si, tu comprends ! Tu comprends parfaitement ! Delbot nous a révélé la vérité… sinon peut-être les morts. Réfléchis : les cent mille francs donnés par Richard à Jules Caboche n’ont pas servi seulement à racheter à ce voyou ton collier volé, volé par qui ?… Ils ont servi à le payer pour nous leurrer. Richard lui avait fait la leçon, lui avait appris ce qu’il fallait dire en nous rendant le collier, ce qui devait nous mettre en confiance. Et Caboche, trop heureux d’avoir touché cent mille francs, trop heureux d’avoir les moyens de s’expatrier, trop heureux de se débarrasser de ces perles qu’il ne voulait pas sacrifier et qui l’obsédaient (ça doit être vrai), Caboche nous a répété sa leçon. Comme l’autre, le bandit, pour nous