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LA FEMME D’UN SEUL HOMME

Patrice et Dominique croyaient avoir reconquis leur bonheur. Ils reçurent l’avertissement que rien n’est parfait dans la condition humaine, même pour les privilégiés.

Près de trois mois avaient passé depuis le retour à Paris. On était en décembre, les fêtes de Noël approchaient, époque d’espoir, époque de pardon, époque de traditionnelles réjouissances.

Un matin, le valet de chambre, comme six mois avant, apporta à Patrice une carte sous enveloppe. D’une main frémissante, il déchira l’enveloppe et lut :

Brigadier Romain Delbot
de la Police Judiciaire

Patrice pâlit ; que lui voulait cet homme ? dont la présence, dont le nom était même une menace ; dont la haine, il le savait, n’avait pas désarmé.

À ce moment, Dominique pénétra gaiement dans le cabinet de travail.

— Faites entrer d’ici cinq minutes, ordonna Patrice en congédiant le valet de chambre.

— Qu’y a-t-il ? Qui est-ce ? demanda Dominique.

Et ses yeux anxieux allaient du visage contracté de son mari à la carte qu’il tenait entre ses doigts.

— Delbot, dit-il.

Dominique pâlit à son tour.

— Que nous veut-il ? Ce n’est pas encore pour cette vieille histoire, dit-elle, ayant déjà, avec une insouciance bien féminine, presque oublié les affres de l’épreuve passée.

— Que nous veut-il ?

— Je veux rester près de toi, assister à l’entrevue, dit impérieusement Dominique.

— Soit ! après tout, nous n’avons plus rien à craindre.

Il l’affirmait pour s’en convaincre lui-même. Mais c’est en contenant un frémissement intérieur qu’il attendait la venue de l’adversaire. Car Delbot était encore l’adversaire.

Patrice et Dominique n’en doutaient pas.