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LE SCANDALE DU GAZON BLEU

fût comme si cela n’avait pas eu lieu ! Insensée ! L’amour est entre nous et rien ne peut le détruire. Ce n’est pas la buée d’une haleine qui s’évanouit sur un miroir. Ce n’est pas la caresse fugitive d’une main qui effleure et passe. C’est, dans sa divine plénitude, l’acte d’amour. C’est la fusion totale de nos deux corps qui n’en firent qu’un. C’est l’épanouissement de nos deux voluptés qui se sont rejointes dans un spasme, que vous ni moi n’oublierons jamais.

Enfiévré, d’une étreinte puissante, il l’avait attirée contre lui. Son souffle brûlant courait sur les belles épaules frémissantes, se rapprochait. La bouche entr’ouverte, Dominique, épouvantée, fascinée, pantelante, se sentait vibrer au contact de cet homme, à ses paroles qui la remuaient jusqu’au plus profond de son être. Elle n’avait pas la force de lui résister comme elle l’eût fait avec un inconnu. Celui-là l’avait possédée déjà, sa chair docile ne se révoltait pas contre lui… elle se tendait vers lui, vers l’ivresse qu’elle avait déjà connue dans ses bras.

Cependant, quand la bouche de l’homme voulut prendre la sienne, quand, à la demi-clarté qui régnait dans la chambre, elle distingua ses yeux brillants d’un feu lubrique, sa figure convulsée par le désir, elle eut une révolte, se retrouva prête à la lutte.

Leur première étreinte avait eu lieu dans l’ombre, s’était imposée par la violence des circonstances hasardeuses. Aujourd’hui, Dominique voyait l’attaque, l’attaque prenait le visage d’un adversaire nouveau que le stupre affolait. C’était l’ennemi, le mâle, contre qui tout ce qu’il y avait en elle de pudeur et de vertu s’insurgeait. Ils combattaient tous deux avec la violence d’êtres qui luttent pour leur vie. L’un et l’autre savaient qu’ils ne survivraient pas à une défaite. Richard mourrait tôt ou tard de ne pas avoir conquis Dominique. Dominique mourrait si elle se laissait prendre.

Elle luttait, magnifique, ardente, désespérée. Les épaules dénudées, la gorge dressée, pantelante et sans voile, les lèvres entr’ouvertes, les cheveux épars, impudique et chaste, elle luttait. Et la vue de ces trésors de chair dévoilée exaltait jusqu’à la frénésie les désirs de l’homme. Du regard, il dévorait ces beautés offertes et défendues. Il y touchait de ses doigts frémissants. Il resserra son étreinte, Dominique sentit qu’elle faiblissait. Elle craignit l’éva-