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L’AMANT DE DOMINIQUE

mais suis-je sauve à mes propres yeux ?… Puis-je tuer la pensée qui ne me quitte pas et qui me torture ?

Elle s’était laissé tomber sur le divan, la tête entre ses mains. Richard s’assit près d’elle.

— Oui, murmura-t-il, je comprends. Vous ne souffrez pas tant qu’un homme vous ait prise, que de vous être donnée à lui.

Elle ne répondit pas. Il continua :

— Et de vous être donnée à un homme ignoble, à un homme dont vous ne pouvez vous souvenir sans écœurement et sans honte.

Courbée en deux, le visage caché, des sanglots secouaient ses épaules. S’inclinant vers elle, Richard chuchota :

— Cependant… cependant, vous n’avez aucune preuve que ce soit lui, aucune certitude. Vous ne savez pas. Moi, dès le premier moment, je me suis révolté devant cette infâme hypothèse, j’ai crié mon indignation, rappelez-vous !

Elle releva son visage mouillé de pleurs.

— Mais vous n’avez aucune preuve contraire non plus. Vous ne savez rien, pas plus que moi.

— Je sais, chuchota-t-il.

— Vous savez ?

— Oui, je sais que c’est moi qui ai eu l’ivresse ce soir-là de vous tenir dans mes bras, de goûter à vos lèvres, à votre chair, et de sentir toute l’émotion voluptueuse de votre corps adoré. Je vous ai toujours aimée, Dominique. Je vous aime passionnément. Comment vivrais-je si je croyais que cette émotion divine ne devait plus se réveiller sous mes baisers ?…

Elle s’était dressée, farouche, éperdue, frissonnante. De ses mains fébriles elle saisit un châle de soie, et voulut en couvrir ses épaules nues.

Richard le lui arracha d’un geste brutal.

— Laissez cela, Dominique. Vous n’en êtes plus à m’opposer le vain rempart d’un morceau de soie, puisqu’une nuit il n’y a plus eu entre nos deux corps le moindre obstacle. Pensez à ce que nous fûmes l’un pour l’autre à cette minute-là ! Pensez à l’acte d’amour qui nous a unis intensément, profondément, d’une union indestructible. Et vous voudriez que tout cela disparût comme un songe, et