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LE CHASSEUR EN DÉFAUT

en automobile pour un long voyage à travers la France. Pas d’adresse.

La rage au cœur, il rentra se coucher.

La première étape des Martyl fut près d’Alençon, au château de Courjeul, lequel appartenait à une vieille dame, lointaine cousine de Dominique, et qui avait pour la jeune femme une profonde affection. Ils ne repartirent point.

Dans la succession des nuits et des jours, avec la seule diversité du temps qu’il faisait, ils se laissèrent vivre. La santé pénétrait en eux avec l’air qu’ils respiraient, qui semblait balayer tous les troubles ferments, tous les bas souvenirs. Patrice faisait beaucoup de sport et, dans la fatigue physique, trouvait le soulagement et l’apaisement.

La menace, le scandale un moment suspendu sur leur tête ne les troublaient plus guère.

— C’est fini, n’est-ce pas ? disait Dominique.

— L’aventure policière est finie. Mais le drame continue en nous jusqu’à ce que nous sachions avec qui tu es tombée sur le Gazon Bleu.

— Le saurons-nous jamais ?

— On sait toujours… Mais, en attendant que nous sachions, la maladie du doute est au fond de nous, sournoise, épuisante, et ne peut pas guérir.

Patrice avait raison. Dominique ne se consolait pas des minutes de faiblesse qui avaient bouleversé leur existence.

Patrice ne pouvait oublier l’immonde confession du sieur Julot, qu’il avait entendue un soir chez les Langrenet. Il arrivait parfois à n’y plus penser. Brefs répits. La jalousie, la colère, le dégoût revenaient, le torturaient, le poussaient à la méchanceté, à l’injustice, à l’insulte. Et il s’élançait, les mains crispées, pour saisir au cou la malheureuse. Mais il s’enfuyait, épouvanté par l’impulsion du crime qui montait en lui.

Pourtant le temps atténuait un peu ces crises. On était au mois