Page:Leblanc - Le Prince de Jéricho, paru dans Le Journal, 1929.djvu/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rête. Notre attention doit porter uniquement sur la soirée présente. Pasquarella, puisque Jéricho est mort, je ne vois pas trop pourquoi vous nous avez réunis.

— Parce que Boniface va venir.

— Et alors ?

— Pour moi, maintenant, dit-elle, Boniface est celui qui a perdu ma sœur. Pour vous, n’est-ce pas celui qui a tué M. Manolsen ? C’est par lui qu’on peut connaître la vérité… et c’est de lui seul qu’on peut se venger.

— Tu as raison, Pasquarella, dit Ellen-Rock, en relevant la tête. Et tu affirmes qu’il vient ce soir ?

— Oui.

— Quel est son plan ?

— J’ai fini par savoir que, depuis deux semaines, Ludovic est sommelier ici et que…

— Ludovic ne connaissait pas Jéricho ?

— Non. Il travaillait pour Jéricho, mais, au loin, comme indicateur, et pour préparer les expéditions. C’est Boniface, plus tard, qui se l’est attaché. Donc Ludovic, une fois engagé ici, a épié Mlle Manolsen, et a pris note de toutes ses habitudes. Il a même réussi à pénétrer dans cet appartement et, sachant que la femme de chambre allait tous les samedis au cinéma, il a fixé le coup à ce soir.

— C’est-à-dire ?

— C’est-à-dire qu’il introduira Boniface dans l’hôtel, qu’il le fera passer par l’ascenseur des domestiques dans le petit couloir qui s’embranche sur le couloir principal, en face de cet appartement. Ludovic prendra la clef dans l’office, où toutes les clefs sont accrochées en double, et il restera dans l’ascenseur, tout prêt à faire descendre Boniface aussitôt que celui-ci aura pu s’emparer du médaillon.

— Il ne s’agit que du médaillon ?

— Oui.

— Ils sont convenus d’une heure ?

— Exactement onze heures quarante.

Il consulta la pendule et sa montre.

— Donc dans quinze minutes. Bien. Et ton idée ?…

— C’est de vous livrer Boniface, puisque nous avons l’occasion de le prendre au piège. Ce que vous ferez de lui ne me regarde pas. Vous êtes le maître.

— Et si je le relâche ?

Elle tira de son corsage la pointe d’un petit poignard.

— Il paiera pour Jéricho, dit-elle tranquillement. Pour moi, il est à la fois Boniface et Jéricho.

Ellen-Rock entraîna Maxime dans la chambre occupée par celui-ci. Le délire de la fièvre semblait l’agiter, et il dit à Maxime, qui sentait autour de son bras une étreinte violente :

— Vous avez raison, Maxime, tout cela est obscur et, sans doute, insignifiant. Il y a évidemment des coïncidences… l’écriture… le coup de massue… l’épave… et puis certains souvenirs confus qui s’éveillent en moi… Mais, somme toute, rien de fixe… N’est-ce pas, Maxime, c’est votre avis ?