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Il paraissait désolé et prenait à témoin Nathalie et Pasquarella, en insistant sur l’infamie du ravisseur.

— Un gentleman, ça ? Est-ce qu’un gentleman abuse de la confiance qu’on lui accorde ?

Ellen Rock, qui commençait à s’impatienter de ces digressions, prononça :

— Et puis ?

— Et puis, quoi ?

— L’autre chose ?

— Quelle autre chose ?

— Ce qui a rapport à M. Manolsen.

M. Manolsen ? Je ne connais pas.

— Tu n’as pas entendu parler d’un M. Manolsen qui est mort d’un coup d’insolation, il y a deux ans, sur les marches du temple ?

— Ah ! il s’appelait Manolsen ? Je me rappelle, en effet. J’étais absent ce jour-là. Mais, le lendemain, des gens d’ici m’ont raconté…

— Tu mens.

Zafiros affirma :

— J’étais absent. Je me souviens parfaitement. Quelqu’un avait eu besoin de moi à Palerme. Je peux le prouver. Foi d’honnête homme, j’étais absent. C’est là un de ces faits matériels qui coupent court à tout.

La phrase ne fut pas achevée. Nathalie, qui ne le quittait pas des yeux, attendant ses révélations avec anxiété, s’étonna de sa pâleur soudaine et de son visage convulsé. Il eut un faible gémissement, puis poussa un cri d’effroi.

— Mais qu’est-ce que vous me faites ? Qu’est-ce que vous me faites ? bredouilla-t-il.

Nathalie se rendit compte seulement alors de ce qui se produisait. Ellen-Rock tenait dans sa main un des poignets de Zafiros et le tordait avec une telle force que la douleur devenait intolérable.

Zafiros tomba à genoux, en suppliant :

— Non… pas cela… non, lâchez-moi…

Ellen-Rock ne bougeait pas cependant, et ne semblait faire aucun effort, mais quelle cruauté dans sa physionomie impassible ! Quelle rage intérieure trahissaient les veines gonflées de son front ! Nathalie, qui ne l’avait jamais vu que maître de lui, et un peu dédaigneux des obstacles que sa volonté rencontrait, fut bouleversée par l’aspect barbare de cet homme, et elle lui dit :