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En passant dans le vestibule, il saisit une mante dont il lui couvrit les épaules. Ils traversèrent le jardin. Elle se laissait conduire. Après le grand choc de l’angoisse, elle était engourdie et incapable de résister. D’ailleurs, il parlait d’une voix si respectueuse qu’elle n’aurait pu imaginer qu’il y eût piège dans sa demande ou qu’il n’obéît point à des raisons impérieuses. Il était venu pour la sauver. Il l’avait sauvée, et il continuait son œuvre. Elle sentait profondément la loyauté de cet homme.

Il ouvrit la porte du jardin. À droite, un peu plus loin, se détachait un sentier rocailleux que Nathalie avait souvent suivi et qui descendait jusqu’à la mer par des lacets rapides. Ellen-Rock éclairait le chemin avec une lanterne électrique dont il répandait la lumière sous les pieds de la jeune fille, ainsi qu’un tapis qu’on déroule.

En bas, amarré le long d’un petit môle, se balançait un canot automobile.

— Le Vif-Argent, dit Ellen-Rock… Un bon lévrier de course avec lequel j’ai déjà réussi de jolies expéditions. Soyez ma passagère, mademoiselle.

Comme elle hésitait, il insista :

— Je vous en conjure. L’ouvre que j’entreprends vous intéresse vous-même, puisqu’il s’agit de savoir par qui vous avez été attaquée. Que venait-on chercher ici ? Il n’y avait ni argent ni bijoux, et ces gredins ne marchent pas à l’aveuglette. Alors, quoi ?… Toute votre vie désormais est dominée par la menace terrible que Jéricho dirige contre vous. Et c’est un adversaire formidable, que je veux démasquer et prendre à la gorge. J’exècre ces sortes de monstres.

Il répéta :

— Je vous en conjure. On ne doit jamais interrompre l’élan d’un succès. Je vous en conjure.

Sans mot dire, elle descendit dans l’embarcation.

Avant de mettre le moteur en marche, il écouta et conclut :

— Il n’est pas certain qu’on puisse les retrouver. La nuit est trop épaisse et ils ont dû se mettre à la remorque de quelque canot comme le mien, qui les attendait.