Page:Leblanc - Le Prince de Jéricho, paru dans Le Journal, 1929.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.

teur. Les circonstances vous mettront tout à coup en face de vous-même et vous apprendront soudain qui vous étiez. Alors votre passé jaillira tout entier de l’ombre. J’envisagerai également l’hypothèse du cas où vous seriez amené aux lieux mêmes de votre enfance. L’émotion du passé se ferait jour peu à peu, et le miracle se produirait infailliblement.

Cependant Forville avait fait amener son auto. Henriette et Janine lui demandèrent de les conduire jusqu’à Saint-Raphaël, chez leurs parents, où Nathalie les enverrait chercher le lendemain. Mais Nathalie insista encore :

— Baron d’Ellen-Rock, vous me devez une troisième réponse.

— J’attends, mademoiselle.

— Pourquoi êtes-vous venu ici ? Car c’est là une visite fort aimable, mais dont le motif nous est inconnu.

— C’est juste, mademoiselle, je ne suis pas venu pour parler de moi, comme je l’ai fait avec trop de complaisance, ni pour rendre à Mlle Janine un collier de corail que j’ai trouvé accroché aux buissons dont je me suis servi pour grimper sur cette terrasse, ni pour sauver Mlle Henriette d’une piqûre d’abeille qui n’existait pas, ni pour deviner qu’il y avait dans la poche de M. Forville la photographie que lui avait donnée presque devant moi, au théâtre, la jolie dame qu’il accompagnait. Non, ma visite avait un autre motif… Pas bien grave. Mais cependant… Vous permettez que je l’explique ? Quelques mots tout au plus…

De nouveau on l’entoura. Et il expliqua, posément :

— Ce matin, j’avais été faire un tour jusqu’à Nice dans mon canot automobile, et j’étais assis dans le jardin public, lorsque, d’un côté à l’autre d’un buisson qui me cachait, j’ai entendu deux Espagnols, des gens du peuple, des matelots, je crois, qui causaient à voix basse. J’ai l’oreille fine…

— Et vous parlez l’espagnol, dit Maxime.

— Assez pour comprendre que ces gens font partie d’une bande qui doit ce soir piller une villa de la côte.

Maxime déclara, tout ému :

— La bande de Jéricho, parbleu !

— Je le croirais volontiers, quoique je n’aie rien surpris de formel à cet égard. Mais, à huit heures et demie, ils doivent se rassembler au pied de ladite villa, que l’on aperçoit de la mer, paraît-il, au haut d’une falaise à pic. Un coup de sifflet donné, à cette heure exacte, d’une colline proche, les avertira que tout va bien. Cinq minutes plus tard, un second coup de sifflet. Alors ce sera l’assaut.

— Et voilà tout ? ricana Forville.

— Voilà. Malheureusement, mes deux gaillards ont disparu et tout au plus ai-je pu savoir que deux individus répondant à leur signalement avaient pris le train pour Cannes, ce qui les rapprochait de l’Esterel, où plusieurs fois, au cours de mes promenades, j’avais remarqué la position escarpée de la villa