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cendait en lui. Il avait l’impression que l’abîme qui le séparait à jamais d’elle n’était plus aussi profond. Un jour lointain, ils pourraient… dans l’oubli du passé… Ses mains tremblaient. Ses yeux se mouillaient de larmes.

Christiane le regarda, puis brusquement se leva. Ils allèrent de nouveau dans le vestibule. Et d’Orsacq affirma : « Nous le sauverons, soyez-en sûre. La conduite de ce Gustave est tout à fait équivoque. Il faut diriger les recherches de ce côté. »

Il aperçut Boisgenêt et se hâta vers lui. Ils s’entretinrent un moment, revinrent ensemble, et Boisgenêt déclara aussitôt :

« Si je me rappelle ! Mais oui, j’ai remarqué ce grand garçon, et je me rends très bien compte aujourd’hui qu’il essayait de se dissimuler. C’est d’une importance considérable, et il n’y a pas une minute à perdre. Venez donc, d’Orsacq. Nous allons prévenir le brigadier et les policiers… »

Christiane attendit sur le seuil du grand salon. Elle semblait distraite. Tout près d’elle, Ravenot se querellait avec sa femme.

« Gueuse, va ! Ah ! ce que tu le reluques ton brigadier !

— Il est bel homme, dit Amélie goguenarde.

— Je lui tordrai le cou. Et aux autres aussi.

— Tu as du travail sur la planche.

— Tu n’as pas besoin de le dire, grinça Ravenot. On n’a qu’à se présenter.

— Pas toujours, dit Amélie exaspérante. Je choisis. Tiens, Boisgenêt a de l’allure.

— Un vieillard !

— Il y en a de jeunes aussi…

Boisgenêt, de retour, entraîna Christiane dans le parc.

« Tout va bien, dit-il. J’ai fait avertir le juge d’instruction. L’inspecteur avait déjà son idée sur cet aide-jardinier. »

L’inspecteur et son collègue marchaient devant eux, avec le brigadier et avec d’Orsacq.

Christiane murmura :

« Vous croyez vraiment qu’il y a de l’espoir ?

— Plus que de l’espoir, affirma Boisgenêt. Nous suivons la vraie piste.

Le pavillon du jardinier se trouvait sur la même rive que le château. Un petit enclos de fleurs le précédait avec une terrasse, une table et des chaises. Sur l’autre rive, à laquelle on accédait par le vieux pont de la cascade, un vaste potager ceint d’une haie d’épines s’étendait, entre les bois à droite et le mur à gauche.

Le brigadier de gendarmerie entra dans l’enclos. Il n’y avait personne. Pour gagner la chambre où couchait Gustave, il monta sur un balcon de bois vermoulu qui contournait le pavillon et, de là, il aperçut Gustave qui travaillait dans le potager, tout au loin. Il appela : « Eh ! Gustave ! »

Le garçon leva la tête, avisa l’uniforme et soudain, laissant tomber sa bêche, sauta par-dessus la haie et s’enfuit du côté du mur.

Le brigadier cria : « Attention ! il se sauve. »

Les agents et d’Orsacq coururent, franchirent le pont et se mirent à sa poursuite.



III


« Ça y est, dit Boisgenêt à Christiane, quand on décampe, c’est qu’on n’a pas la conscience tranquille. »

Ils croisèrent le brigadier qui partait en chasse également et montèrent sur le balcon d’où ils purent voir toutes les péripéties de la poursuite.

Ce fut assez long. Gustave essaya d’es-