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est souvent dans les rubriques mondaines des journaux.

— Oui, deux amuseurs…

M. Vanol ? M. Boisgenêt ?

— Deux fantoches.

— Monsieur le Juge d’instruction, dit le brigadier, toutes ces personnes voudraient bien quitter le château. »

Monsieur Rousselain demanda : « Le comte d’Orsacq est toujours dans sa chambre ?

— Il n’en est pas encore sorti.

M. Debrioux ?

— Dans son appartement, ainsi que Mme Debrioux qui a veillé le corps toute la nuit.

— Les autres ?

— Dans le grand salon, selon votre consigne.

— Faites-les entrer. »

En attendant, les deux magistrats déambulèrent autour de la pièce Le coffre fut l’objet d’un examen ainsi que la fenêtre.

M. Rousselain dit au substitut :

« Regardez donc la rivière d’ici. Tenez, tout au bout à gauche, vous apercevez un vieux pont en bois ?

— Oui, au-dessus d’une chute. Il s’est passé quelque chose de ce côté ?

— Au mois de mars dernier, en l’absence des propriétaires, j’ai pris là une truite énorme.

— C’est du braconnage, monsieur le Juge d’instruction. »

M. Rousselain se frotta les mains gaiement.

« Ça double le poids d’une truite ! »

Il reprit son sérieux. On introduisait le ménage Bresson, Vanol et Boisgenêt, que suivirent presque aussitôt les Debrioux.

Vanol fit irruption, son sac de voyage à la main, fort irrité.

« Monsieur le juge d’instruction, je compte bien que vous n’allez pas me retenir plus longtemps.

— Votre départ était donc décidé auparavant ?

— Non. Mais vous comprenez bien que je ne peux pas m’éterniser ici. On ne reste pas chez ses amis après ce qui s’est passé. C’est incorrect, et aussi fort pénible. Moi, ça me rend malade.

— Patientez, monsieur. Je pense que demain…

— Demain ? Mais c’est impossible. Des affaires urgentes me rappellent, et vous n’allez pas me contraindre…

— Les nécessités de l’enquête…

— Mais je n’y suis pour rien !

— Évidemment ! mais votre témoignage peut avoir son importance.

— Mon témoignage ? mais je l’ai donné aux gendarmes, je n’ai rien vu, rien entendu.

— Je n’en doute pas. Cependant je vois dans le rapport du brigadier que l’on n’a pas pu établir exactement l’endroit où vous vous teniez pendant le vol.

— Mais au bord de la rivière, avec tout le monde.

— Vous vous êtes écarté, paraît-il, un moment, selon le brigadier. »

Vanol se croisa les bras, indigné. Boisgenêt observa, goguenard :

« Ah ! Ah ! Tu t’es écarté un moment ? Pourquoi ?

— Tu m’embêtes, toi ! s’exclama Vanol, qui déposa son sac, puisque le départ n’était pas possible. Tu m’embêtes. Toi non plus tu n’es pas resté tout le temps là-bas.

— Moi ? Je n’ai pas bougé », protesta Boisgenêt.

Le juge l’interrompit.

« Je vois cependant sur le rapport du brigadier que vous avez disparu pendant dix minutes. »

À son tour, Boisgenêt s’irrita : « Il en a de bonnes, le brigadier ! Alors, brigadier, j’aurais disparu pendant dix minutes ? C’est vous qui avez contrôlé et minuté cette disparition ? »

Le juge lui coupa la parole et dit au brigadier :

« Appelez donc le maître d’hôtel et la femme de chambre Amélie.

— Ah ! Ah ! fit Boisgenêt, s’irritant à son tour, c’est Ravenot et sa femme qui ont documenté la gendarmerie ? Il est vraiment regrettable que la justice s’appuie sur des ragots de gens de cette espèce. »

Le juge d’instruction étouffa un bâillement et murmura, incliné vers le substitut :

« Il a raison ! Ça vous amuse, ces histoires-là ? »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

L’un suivant l’autre, Ravenot et Amélie pénétrèrent dans la bibliothèque avec cette gêne confuse que l’on éprouve au moment de témoigner. La femme de chambre avait vraiment de la grâce et de la fraîcheur. Elle souriait.

— Que savez-vous au juste, maître d’hôtel ? demanda le juge d’instruction.

— Rien, absolument rien, n’est-ce pas, Amélie ? déclara prudemment Ravenot.

— Vous n’avez aucune indication à nous donner ?

— Aucune, monsieur le Juge d’instruction, n’est-ce pas, Amélie ? dit le maître d’hôtel qui semblait résolu à s’abriter derrière l’autorité de sa femme.