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C’était vrai. La voiture volée avait soudain accéléré sa marche en se lançant dans une grande avenue. Celle-ci se prolongeait jusqu’à l’extrémité de la ville et aboutissait à un vaste parc aux arbres magnifiques, aux buissons épais, aux larges allées, qui servait de promenade publique.

Le chauffeur obéit, l’auto des poursuivants, maintenant, marchait en trombe, se rapprochant de la motocyclette de l’agent qui, comme un point noir sur la large voie blanche, filait aussi vite qu’elle pouvait.

Déjà la capote grise, là-bas, tournait au bout de l’avenue et disparaissait.

Max Lamar eut un geste de dépit. M. Bauman trépigna. Randolph Allen resta serein.

— Nous allons la revoir au tournant, déclara-t-il avec son immuable flegme.

Quand ils y arrivèrent, ils avaient rattrapé la moto. Côte à côte avec elle, ils prirent le virage.

— Stop ! cria aussitôt le chef de police.

À cent mètres, l’auto volée, le long du parc, était arrêtée.

La voiture des poursuivants fit halte à peu de distance et les quatre hommes en descendirent. Max Lamar et Randolph Allen se concertèrent rapidement. Puis, la main sur la crosse de leur revolver, ils s’avancèrent en compagnie de l’agent, qui avait abandonné sa moto. M. Bauman suivait, assez peu rassuré, mais galvanisé par l’instinct, si puissant chez lui, de la propriété. Son caissier, vert de peur, fermait la marche.

Sans bruit, le groupe s’approcha de l’auto arrêtée. Rangée le long de la route, elle semblait les attendre. On ne voyait personne aux alentours, aucun mouvement ne se décelait, aucune voix ne s’entendait sous la capote grise rabattue. Cette immobilité qui semblait les guetter, ce silence menaçant, auraient impressionné des hommes moins résolus que Lamar et Allen, et ils impressionnaient considérablement M. Bauman et son acolyte, qui commençaient à être saisis d’un ardent désir d’être ailleurs.

D’un même mouvement, le médecin et le policier se jetèrent en avant, l’arme au poing, chacun à une des portières de l’auto.

L’auto était vide.

— En bien, qu’est-ce que vous voulez, vous autres ? demanda une voix étonnée.

C’était le chauffeur de la voiture. Sur son siège, il était confortablement installé et, selon toute apparence, les arrivants venaient de le réveiller d’un somme commencé.

— Wilson ! hurla M. Bauman, survenu à son tour et tout enhardi par l’absence du danger, qu’est-ce que vous faites là ? Qui vous a permis ? Qu’est-ce que cela signifie ?

— Comment ? Ce que cela signifie ? Mais c’est moi qui vous le demande, monsieur Bauman ? protesta Wilson dont le naturel était irascible et indépendant.

— Qu’est-ce que vous dites ? Vous vous