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— Expliquez-vous, monsieur Bauman, dit Randolph Allen, en parlant un peu plus lentement encore que de coutume.

— Et calmez-vous, si vous pouvez, conseilla Max Lamar.

— Que je me calme ! C’est facile à dire. On m’a volé ! Mes papiers ! Mon auto ! Les bandits ne respectent plus rien !… Toutes mes reconnaissances de prêts, toutes !… Comment me faire rembourser maintenant ?… Par quel moyen ?… De l’argent que j’ai versé, messieurs ! que j’ai tiré de ma caisse pour le prêter, par bonté pure, à des crève-la-faim !… Et on ne me le rendrait pas ? C’est impossible ! C’est inimaginable ! C’est monstrueux !…

Les affres de la colère et de la cupidité étranglaient la voix de M. Bauman. Il trépignait. Il continua :

— Dans une ville comme la nôtre, de tels attentats devraient-ils être possibles ? Sommes-nous protégés, je me le demande ! Est-ce pour cela que nous payons des impôts ? Que fait la police ? Monsieur Allen, vous êtes personnellement responsable ! Je vous somme…

— Doucement, doucement, dit Randolph Allen.

Le regard fixe et froid que le chef de police attachait sur lui calma la frénésie de M. Bauman.

Jadis, la police lui inspirait une terreur salutaire. Maintenant, il se croyait assez puissant pour n’avoir plus à la redouter. Néanmoins, il craignit d’avoir été trop loin. Il se laissa tomber sur un siège et sanglota.

— Je suis un pauvre homme, gémit-il. On m’a dépouillé… mon irritation est légitime. J’ai toujours voulu faire le bien et voici ma récompense.

Par-dessus la tête de M. Bauman, Max Lamar et Allen, qui, de longue date connaissaient l’usurier, échangèrent un regard de mépris pour ce personnage. Puis, ils ne songèrent plus qu’à l’affaire elle-même.

— D’après ce que je crois comprendre, monsieur Bauman, vous avez été victime d’un vol ? dit le chef de police. Veuillez préciser votre plainte.

— Oui, monsieur.

M. Bauman s’était redressé, il semblait plus calme et expliqua clairement, jusque dans leurs plus minutieux détails, les événements qui, au commencement de l’après-midi, s’étaient déroulés à la banque. Le policier l’écoutait avec attention ainsi que Max Lamar, dont l’intérêt était vivement excité par cette mystérieuse histoire, et tous deux coupaient de questions son récit dont le caissier précisait et complétait certains points.

— En entrant dans votre bureau, avant le moment du vol, vous n’avez rien remarqué d’anormal ? demanda Allen.

— Absolument rien.

— La femme voilée s’y trouvait déjà, cependant ?

— Sans doute, puisqu’on l’y avait fait entrer, dit M. Bauman avec un regard furibond à l’adresse de Larkin, qui, tremblant, parut se replier sur lui-même.

— À quel moment vous êtes-vous aperçu que vous étiez emprisonné dans votre chambre blindée ?

— En voulant en sortir. J’étais entré une première fois pour chercher le dossier des reconnaissances qui m’ont été volées. Je l’avais placé sur mon bureau. Je suis rentré dans mon coffre-fort et je me suis mis à prendre des notes. C’était un travail minutieux et qui exigeait toute mon attention. Quand j’ai eu fini, avant de sortir, j’ai fermé l’électricité. Alors, au lieu de voir de la lumière par la porte que j’avais laissée entrebâillée, je me suis trouvé dans l’obscurité. Jusqu’à ce moment, je ne m’étais aperçu de rien. Quand avait-on fermé la porte ? Je ne sais…