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policier, de n’être pas entêté, et cette supériorité de savoir reconnaître celle des autres. C’était le cas à l’égard de Max Lamar, avec lequel il était lié depuis de longues années et qu’il prenait de plus en plus l’habitude de consulter dans les affaires compliquées ou bizarres.

Les inspecteurs se retirèrent. Max Lamar s’était assis sans mot dire.

— Eh bien ! mon cher ami, quoi de nouveau ? demanda Allen au médecin légiste.

Celui-ci avait l’air soucieux, le chef de police l’avait remarqué dès son entrée, et il était intrigué, mais il posa sa question d’une voix détachée, calme et égale, où ne vibrait pas le moindre indice de la plus légère curiosité.

— Vous vous souvenez du Cercle Rouge ? dit Lamar.

— Oui, répondit Allen de son ton froid. Mais c’est une affaire finie depuis la mort de Jim Barden et de son fils.

— Non, ce n’est pas une affaire finie, dit le médecin. Elle recommence. Le Cercle Rouge a survécu aux deux descendants des Barden. Ou plutôt cette famille dangereuse a d’autres descendants que ceux que nous connaissions.

— Vous êtes sûr de cela ? demanda Allen qui, par un effort suprême, avait réussi à ne pas paraître surpris.

— Absolument sûr.

– Mais Jim Barden n’avait pas d’autres enfants que le jeune gibier de potence qu’on appelait Bob ?

— Je ne sais pas. J’affirme seulement que le Cercle Rouge existe encore. Je l’ai vu.

— Quand cela ?

— Tout à l’heure.

— Et qui porte la marque ?

— Une femme.

— Quelle femme ?

— Je ne sais pas. Mais le Cercle Rouge existe sur la main d’une femme. Voici ce qui s’est passé…

Max Lamar fit, point par point, au policier le récit de ce qu’il avait vu quelques minutes avant, et il lui tendit la carte de visite sur laquelle il avait tracé cette inscription :

Auto n° 126694. Le Cercle rouge.

Randolf Allen considéra la carte pendant quelques secondes. Puis il sonna.

– Apportez-moi le registre des numéros d’auto, ordonna-t-il au garçon de bureau qui parut.

» Nous allons tout de suite savoir ainsi à quoi nous en tenir, en ce qui concerne au moins le propriétaire de la voiture. Et par le propriétaire…

— C’est ce que j’étais venu vous demander, dit Max Lamar.

Le garçon de bureau revint avec le registre. Il le remit à son chef et sortit.

Max Lamar s’était levé et, penché par-dessus l’épaule d’Allen, il regardait celui-ci feuilleter les pages du registre quand un soudain tumulte, éclatant dans l’antichambre, interrompit leurs recherches.

— J’entrerai, vous dis-je ! glapissait une voix furieuse. Je suis M.  Karl Bauman, de la Banque Karl Bauman ! Il faut que je voie votre chef !…

La porte s’ouvrit violemment et M.  Bauman, échappant au garçon de bureau qui voulait le retenir, se rua dans la pièce.

Sa surexcitation s’était considérablement accrue pendant le trajet qu’il avait fait pour venir. Toute majesté l’avait quitté et il gesticulait, comme un chimpanzé épileptique.

Derrière lui entrèrent son caissier, et l’infortuné Larkin, qui, écrasé par le sentiment de sa faute, que son patron n’avait cessé de lui reprocher, suait d’angoisse, en se demandant ce qui allait lui arriver.

— Un vol ! cria Bauman, sans même songer à saluer. Un vol infâme doublé d’une tentative d’assassinat !