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délivré le gardien, qui accourait sur le théâtre de la lutte. Acculé au mur, Sam Smiling l’attendit de pied ferme et, au moment où le gardien arrivait sur lui, d’un formidable coup de tête au creux de l’estomac il l’envoya rouler à dix pas.

Cependant il avait en même temps laissé l’appareil téléphonique s’échapper de sa main. Le médecin ramassa l’instrument et, comme le bandit se ruait sur lui pour l’attaquer à son tour, il le frappa de toutes ses forces au milieu du front.

Sam Smiling chancela et recula, cherchant un point d’appui pour ne pas tomber. Derrière lui était une des larges fenêtres du corridor qui donnaient sur la rue, et le bandit, croyant rencontrer le mur, ne trouva que le vide. Il n’eut pas la force de se rejeter en avant. Un vertige le prit, et basculant par-dessus le rebord de la fenêtre, avec un cri étouffé, il tomba.

Son corps tournoya dans le vide et, de la hauteur des quatre étages, vint s’écraser sur le trottoir.

Au même instant, dans la rue, un homme arrivait qui fut le témoin de ce drame rapide.

C’était Max Lamar qui, obsédé par la découverte qu’il avait faite au sujet du Cercle Rouge, se rendait à l’hôpital pour y interroger le blessé.

Le médecin légiste se précipita vers le corps qu’il venait de voir s’abattre, à quelques mètres de lui, et qui, maintenant, gisait inanimé, la face contre terre.

Max Lamar, penché sur lui, ne put retenir une exclamation de stupéfaction en reconnaissant Sam Smiling.

À ce moment, ayant dégringolé quatre à quatre les escaliers, arrivaient le médecin et le gardien suivis de loin par l’interne, que l’infirmière avait fait revenir à lui et qu’elle soutenait par le bras.

Le médecin de l’hôpital examina un instant le corps par acquit de conscience.

— Il est mort, dit-il enfin.

— Il serait difficile qu’il en fût autrement, après une chute pareille, murmura Max Lamar. Le misérable a enfin trouvé le châtiment de ses crimes, ajouta-t-il tout haut.

Pendant que le médecin chef donnait des ordres pour qu’on allât chercher un brancard afin d’enlever le cadavre, Max Lamar prit à part le gardien et lui demanda des détails sur l’événement.

Le brave fonctionnaire, tout contusionné encore du coup de tête que Smiling lui avait porté en pleine poitrine, ne respirait qu’avec une certaine difficulté, et c’est d’une voix entrecoupée qu’il commença son récit :

— Qui aurait dit, monsieur Lamar, que ce gaillard-là avait conservé tant de vigueur ? Il avait l’air de ne plus avoir que le souffle, et je croyais qu’il allait mourir entre chaque mot pendant qu’il jouait la comédie du repentir et de la confession.

— Comment ? Quelle confession ? Qu’est-ce que cela veut dire ?

— Eh bien, je parle de l’aveu, de l’accusation, des révélations, appelez-moi ça comme vous l’entendrez, monsieur Lamar. J’aurais voulu que vous fussiez là, vous vous seriez peut-être aperçu qu’il nous montait le cou avec sa faiblesse, tandis que M. Randolph Allen n’y a vu que du feu, sans vouloir le critiquer.

— Randolph Allen ? Smiling a parlé à Randolph Allen ?

— Parfaitement, et même qu’avec M. Allen il y avait M. Silas Farwell, vous savez bien, le gros industriel.

Max Lamar pâlit. Il avait eu l’intuition soudaine que Sam Smiling, avant de mourir, s’était livré à une épouvantable vengeance.

— Et qu’a-t-il dit à ces messieurs ?

— C’est lui qui avait exprimé le désir de les voir. Il prétendait connaître le secret et le nom de la femme au Cercle Rouge…