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blement la tête. Une grande impression de tristesse était peinte sur son visage.

D’une voix assourdie, il s’adressa à Mme Travis :

— Madame, voulez-vous être assez bonne pour me laisser seul quelques instants avec Mlle Florence ? Il faut que je lui parle en particulier.

Mme Travis et Mary se retirèrent, sans mot dire, oppressées par une cruelle inquiétude.



XXXII

La révélation


Devant Max Lamar, Florence se tenait debout, immobile et muette, dans une attitude qui exprimait des sentiments bien étranges chez elle, mais qu’elle ne pouvait déguiser : la crainte et la résignation.

Elle savait bien que le moment était irrémédiablement venu où celui qu’elle aimait devait apprendre l’horrible vérité, et dans une folle angoisse, dans une honte affreuse, toute sa pensée s’en allait désemparée.

Pourtant, quand ses yeux furtivement se fixaient sur Max Lamar, il lui semblait que c’était auprès de lui qu’elle trouverait le secours et le salut auxquels elle aspirait et que lui, au moins, saurait la comprendre, avoir pitié d’elle et peut-être la sauver.

Max Lamar, secouant avec effort son abattement, se redressa légèrement dans son fauteuil et regarda Florence avec des yeux dont il essayait de bannir toute autre expression que la froideur et la politesse. Il lui dit, d’une voix lente et ferme :

— Mademoiselle, il m’est pénible de vous poser cette question, mais il le faut : Savez-vous qui est la jeune fille qui porte le stigmate du Cercle Rouge ?

Il avait appuyé sur les mots : « jeune fille », pour bien lui faire comprendre qu’il s’agissait d’elle et qu’il savait. Au reste, comment aurait-il pu douter ?

Florence ne répondit pas. Elle se sentait défaillir dans une affolante détresse. Elle eût voulu parler, s’affranchir, en criant son secret, de la contrainte qui la torturait, et elle ne trouvait pas ses mots, sa voix s’étranglait dans sa gorge, mais son silence même était un aveu.

Le mystère qui pesait sur ces deux êtres et les enveloppait depuis si longtemps paraissait alors se déchirer, et la vérité, cruelle, mais moins affreuse que le doute et le mensonge, s’échangea silencieusement entre eux. Seulement, dans un geste qu’il ne put retenir et où la pitié l’emportait, Max Lamar saisit la main de la jeune fille. Et voici que l’aveu, cet aveu que les lèvres de Florence retenaient malgré elle, éclata, silencieux, mais implacable, sur cette main charmante que tenait le docteur Lamar.

Sur la peau blanche, encore plus blanche depuis que tout le sang de la jeune fille affluait à son cœur, qui battait à grands coups, un anneau circulaire irrégulier, d’abord à peine rose, puis plus vif, plus éclatant, parut : le Cercle Rouge…

Max Lamar savait déjà le fatal secret, mais quand la révélation s’en fit ainsi sous ses yeux mêmes, il ne put retenir un mouvement d’horreur, un cri douloureux.

— Oh ! Flossie ! Flossie !

La jeune fille, à cette voix, réveillée de sa torpeur, jeta à son tour les yeux sur sa main, que le docteur, avait laissé retomber. Elle tressaillit et pâlit. Et, soudain, tout son désespoir éclata en un cri de souffrance, de révolte et d’horreur.

— Eh bien, oui, oui, c’est moi ; mais suis-je vraiment coupable ? Suis-je responsable de l’affreuse fatalité qui m’entraîne, et n’en suis-je pas la première victime ?

Sa voix sombra dans un sanglot éperdu.