Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/186

Cette page a été validée par deux contributeurs.

jeune fille eût couru à sa rencontre pour lui révéler, non plus comme une confession humiliante, mais comme une justification définitive, le mystère qui pesait sur sa vie et qu’elle redoutait à cause de lui surtout.

Gordon avait enfoui dans la plus sûre de ses poches le papier sauveur et maintenant, revenu de son émotion, il voulait savoir comment s’était fait le miracle.

— Comment avez-vous réussi, si vite, à vous procurer ce document ? Par quelle magie ?

Florence, souriante, lui répondit :

— Il n’y a rien eu là de surnaturel, croyez-moi, monsieur Gordon. Mais ne me demandez pas quels moyens j’ai employés pour obtenir ce reçu qui vous avait été si lâchement extorqué. Ne m’en remerciez jamais et contentez-vous de l’accepter.

Puis, mettant la main dans son sac, elle en retira quelques-unes des bank-notes qu’elle avait prises dans le coffre-fort de Silas Farwell.

— Et je vous supplie, en outre, dit-elle, d’accepter sans façon cette petite avance. Cela représente exactement, selon ce que vous m’avez dit, la somme que Silas Farwell vous devait personnellement pour vos honoraires. Vous allez être obligé de pourvoir à des nécessités urgentes, ne fût-ce que celle de réparer un peu votre toilette.

De la main, Gordon repoussa les billets.

Mais Florence eut une moue fâchée.

— Vous ne pouvez pas refuser et vous me feriez trop de peine en me désobéissant. D’ailleurs, je vous le répète, cet argent est celui qui vous est dû…

C’était dit si gentiment, avec tant de bonne grâce, que Gordon comprit qu’il n’avait pas le droit de repousser cette offre. Et puis Florence Travis avait raison. Cette somme lui était due, et il en avait le plus impérieux besoin.

Il accepta donc les billets avec une satisfaction franche qui fit plaisir à la jeune fille.

— Il faut que je vous quitte, lui dit-elle. J’ai laissé, il y a quelques heures, ma mère qui doit être inquiète de moi. Permettez-moi d’aller la retrouver. J’espère bien vous revoir, d’ailleurs, monsieur Gordon, dès que vous aurez reconquis votre situation sociale, ce qui ne saurait tarder. Vous serez toujours le bienvenu à Blanc-Castel.

Et, légère, elle s’enfuit, après avoir adressé un dernier sourire à l’avocat.

Celui-ci la regarda, s’éloigner. Ses yeux, longuement fixés sur elle, semblaient vouloir conserver en eux, indélébilement, son image exquise.

Gordon, ensuite, appela du geste le chauffeur qui se trouvait à quelque distance dans l’allée.

Il accourut, l’avocat lui tendit un billet de banque.

— Voilà pour que vous me fassiez de la monnaie en ville, mon brave. Soyez assez bon pour remettre la voiture en marche.

Mais un incident très inattendu se produisit.

Par une allée latérale déboucha soudain un des détectives qui avaient mission de rechercher Gordon.

Il venait d’apercevoir l’avocat remettant la bank-note au chauffeur, et, reconnaissant immédiatement l’homme qu’il était chargé d’arrêter, il se précipita vers l’auto.

Gordon le vit et le reconnut aussi.

Se sachant toujours sous le coup d’un