Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/185

Cette page a été validée par deux contributeurs.

La dure réalité, un moment, ressaisit Gordon et il eut la vision précisé des dangers qu’il courait encore. Que pourrait pour lui cette jeune fille, quelle que fût sa bonne volonté ?

Pourtant Gordon secoua ce doute. L’espoir était plus fort que le raisonnement. Il se laissait maintenant aller à un optimisme instinctif et délicieux.

Le parc silencieux et parfumé s’étendait autour de lui. Toute la nature conspirait à l’apaisement de son âme agitée. Il renaissait, et c’est à peine si la joie, sourde qui s’élevait en lui était atténuée par le souci que lui causait le délabrement de sa toilette. Ses guenilles mêmes lui paraissaient moins guenilles. Il les regardait comme de vieilles amies, de chers compagnons de lutte qu’il allait certainement quitter bientôt.

— Eh ! bien, à quoi songez-vous donc, monsieur Gordon ? fit près de lui une voix claire.

C’était Florence. Le rêve du pauvre Gordon se précisait, devenait réalité en la personne de la jeune fille, qui, par la portière, lui tendait un papier…

Un papier qu’il connaissait bien, qu’il n’avait cessé de revoir à travers les cauchemars de son désespoir.

C’était le reçu des 75 000 dollars que Silas Farwell lui avait fait frauduleusement signer.

— Prenez, disait Florence, ce document vous intéresse.

Gordon, d’une main tremblante, saisit le document que lui présentait Florence. Il le regarda, le retourna vingt fois. Pâle, haletant, il doutait de ses propres yeux.

Enfin, il allait pouvoir se disculper.

La machination de l’infâme Farwell s’écroulait. L’avocat Gordon, réhabilité, reprendrait sa place dans la société. Et la justice un peu tardive, qui lui rendrait l’honneur, saurait aussi châtier le gredin qui avait voulu causer sa perte.

La joie l’étouffait. Il ne pouvait articuler une parole et de grosses larmes de reconnaissance roulaient dans ses yeux.

Prenant avec dévotion la main de Florence, il y imprima un baiser respectueux et plein d’une gratitude infinie, presque superstitieuse.

La jeune fille sentit tomber sur sa main une larme tiède. Il lui sembla que cette larme effaçait toute la honte héréditaire du cercle maudit, ne laissant subsister que le bien que son influence lui avait fait faire.

À ce moment, Florence Travis était presque fière d’elle-même, de ce pouvoir, qui lui avait permis de sauver de la misère et de l’injustice quelques malheureux.

Et si Max Lamar avait alors paru, la