de bien vouloir me reconduire chez moi.
— Avec plaisir, répondit Lamar, dont les yeux brillèrent de joie.
— Je vous précède, fit Silas Farwell.
Le bureau dans lequel il les fit entrer avec lui était d’un ameublement très sobre.
Dans l’antichambre, un dactylographe, assis devant une petite table, tapait des lettres sans lever la tête un instant.
— Je vais m’asseoir là et vous attendre, dit Florence Travis en montrant une banquette de cuir.
— Vous serez bien mal, mademoiselle, dit galamment Silas Farwell.
— Pas du tout… j’ai horreur des sièges trop confortables et je serai parfaitement ici.
Le dactylographe, ayant fini son travail, se leva à ce moment, rangea ses papiers, ferma sa machine et quitta le bureau.
Lamar et Farwell pénétrèrent dans le cabinet directorial.
Florence, alors, ne perdant pas une minute, enleva la machine à écrire demeurée sur la petite table et transporta cette dernière contre la porte, de communication que venaient de franchir les deux hommes.
Sur la table elle se hissa avec légèreté.
De là elle pouvait apercevoir par l’imposte, tout ce qui se faisait dans le bureau de Silas Farwell.
Jamais elle n’avait été aussi émue. Qu’allait-il se passer ? Qu’allait-elle apprendre ? Et, surtout, que serait-elle amenée à faire ?
Car c’était là l’étrange particularité de sa nature. Rien, dans l’enchaînement de ses actes, n’était prémédité. Tout obéissait à une impulsion brusque, tout se déclenchait inopinément. Et comme, jusqu’à ce jour, les décisions prises ainsi à l’improviste et sans réflexion avaient toujours triomphé de tous les obstacles et de tous les périls, elle avait une confiance aveugle ans les inspirations qui lui venaient de cette force inconnue qui était en elle et qui, pourtant, la torturait si cruellement.
Elle regardait de tous ses yeux.
Silas, ayant fait asseoir Max Lamar dans un fauteuil, ouvrit un coffre-fort et en sortit une liasse de papiers, d’où il tira une feuille rectangulaire, portant, en haut et à gauche, la firme de sa maison.
— Voilà l’affaire, dit-il à Max Lamar. Mettez-vous bien sous la lumière et regardez !
Il tenait le papier étalé à la hauteur même des yeux de son interlocuteur. De son observatoire, Florence le voyait aussi très nettement et n’en perdait pas une ligne.
D’ailleurs, comme pour renforcer le sens des mots, Silas crut bon d’en donner lecture à haute voix :
« Je soussigné C. Gordon, avocat-conseil chargé des intérêts des employés de la coopérative Farwell, reconnais avoir reçu la somme de 75 000 dollars, montant de la part trimestrielle des bénéfices revenant à ses employés.
Lu et approuvé : | Lu et approuvé, |
Silas Farwell. | C. Gordon. |
Max Lamar, à cette lecture, fut saisi d’une grande perplexité.
Le papier lui semblait authentique. C’était un reçu en bonne et due forme.
Pourtant, il éprouva le besoin de demander des explications.
— En somme, dit-il à Silas Farwell, ce n’est là qu’un reçu. Où est la preuve qu’il ait détourné cet argent… si toutefois il l’a touché, ajouta-t-il avec une réticence soudaine.
— Parbleu ! s’il l’a touché ! déclara cyniquement Silas Farwell, c’est moi-même qui le lui ai remis.
Derrière l’imposte, Florence, serrant les poings, sentait monter en elle une sourde colère.