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— Et maintenant, dit Sam, nous allons voir si l’on est bien là-dedans. Voyons… en y mettant ce coussin…

Et il s’introduisit dans la malle, qui était immense et le contenait facilement.

— Écoute-moi bien, mon petit bonhomme, continua-t-il d’une voix basse et menaçante. Tu vas refermer cette malle et faire venir les commissionnaires qui doivent la transporter à la gare pour sa destination. Mais ne t’imagine pas, parce que j’y serai enfermé, que j’y sois prisonnier ! Avec cette lame-là, je crève le couvercle au premier bruit suspect et je te larde comme un poulet, toi comme tous ceux qui voudraient m’embêter. Allons, boucle, et gare à toi si tu bronches !

Yama était tellement terrorisé qu’il n’eut pas un instant l’idée de tirer parti de la situation en allant chercher la police. Il obéit machinalement à Sam Smiling, dont l’apparition soudaine et les affreuses menaces lui avaient fait perdre la tête.

— Deux portefaix prirent l’énorme colis, le portèrent à la gare, où il fut dirigé vers la ville par le premier train.


Le lendemain, à Blanc-Castel, la maison de Mme Travis, au réveil, reprenait son train accoutumé.

Florence voulut, dès son arrivée, faire quelques emplettes.

-Veux-tu m’accompagner, maman ? demanda-t-elle à Mme Travis.

— Très volontiers, répondit cette dernière.

Les deux femmes sortirent, après que Florence eut prié Mary de s’occuper du déballage des malles et des colis.

Mary ne perdit pas un instant. Elle monta dans la chambre de la jeune fille et se dirigea, les clefs à la main, vers la grande malle que l’on venait d’apporter.

À ce moment, Yama qui l’avait suivie, s’approcha en faisant des gestes désordonnés. Tout tremblant, il bredouillait de confuses explications, et sa mimique semblait dire à Mary : n’ouvrez pas !

Mary ne comprenant rien aux contorsions, inexplicables pour elle, du domestique japonais, passa outre et, sans hésitation, ouvrit la malle toute grande.

Ce fut un coup de théâtre.

Sam Smiling, son couteau à la main, venait de surgir brusquement comme un diable d’une boîte. Il sauta hors de la malle et fit quelques pas dans la chambre.

— Il fait bon se dérouiller un peu les jambes, dit-il avec ce sourire faussement bon enfant qui était sinistre pour qui le connaissait bien.

Yama s’était enfui. Mary, les yeux agrandis par la stupeur et l’effroi, avait reculé jusqu’au fond de la pièce.

— C’est vous ! Encore vous ! bégaya-t-elle.

— C’est moi-même… pour vous servir.

Il esquissa une révérence.

— Vous aviez cru vous débarrasser de moi. Vous verrez que ce n’est pas si facile que ça ! Je connais le secret de votre maîtresse et vous me protégerez, de gré ou de force.

Il ajouta durement.

— Et puis, c’est assez plaisanté comme ça ! Cachez-moi tout de suite et cachez-moi bien !

Il devenait menaçant.

— Suivez-moi, dit Mary, résignée.

Elle conduisit le bandit à travers des corridors jusqu’à la porte donnant sur l’escalier conduisant aux mansardes.

— Montez, dit-elle. Il y a quatre pièces