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ment venait d’envahir ses oreilles. Sa vue se troublait. Un vertige mortel s’emparait de lui. Une seconde encore et il lâchait la branche qui, d’ailleurs, ne lui était plus que d’un précaire secours.

À ce moment, il sentit comme un pan d’étoffe qui lui balayait le visage.

Un dernier sursaut de l’instinct de conservation lui fit saisir avec les dents cet objet, qui n’était autre qu’une manche de la veste de l’Ermite ; puis, en un dernier sursaut d’énergie, il s’y agrippa de la main gauche…


Quand Max Lamar reprit nettement conscience, il aperçut au-dessus de lui une face hirsute, éclairée par deux yeux étincelants. Une main rude lui frottait les tempes avec du whisky qui coulait goutte à goutte d’une gourde de cuir.

Il se souvint.

— Merci, dit-il, merci.

— Ça va mieux ? demanda l’homme.

— Oui, mieux. Voulez-vous m’aider à me remettre debout ?

— Volontiers, dit l’Ermite.

Mais Max Lamar avait trop présumé de ses forces. Une fois debout il dut, pour ne pas tomber, s’appuyer lourdement sur l’épaule de son sauveur.

Ensemble, ils firent ainsi quelques pas et rejoignirent le sentier.

— Voulez-vous me ramener à l’hôtel Surfton, mon ami ? dit Lamar d’une voix encore faible.

L’homme eut un tressaillement.

— C’est que, vous savez, moi, je ne tiens pas beaucoup à descendre à la ville.

— Est-ce ma tenue qui vous fait peur ? reprit Max en souriant et après avoir jeté un coup d’œil sur ses vêtements déchirés et ses mains pleines de sang.

— Oh ! ma foi, non. Voyez la mienne… Mais j’ai mes raisons…

— Alors, vous allez me laisser ainsi dans la nuit, après m’avoir sauvé ? Allons, mon brave, accompagnez-moi en me soutenant de votre mieux. Personne ne vous verra à cette heure.

L’homme hésita un instant.

Puis, avec un haussement des épaules qui signifiait : « Après tout, pourquoi pas ? » il prit la direction de Surfton après avoir passé son bras autour de la taille de Max Lamar.

Il était fort tard quand les deux hommes arrivèrent à l’hôtel. Le concierge de nuit, à moitié sommeillant, ne les remarqua pas.

— Accompagnez-moi, dit Max Lamar à son sauveur.

Une fois dans son appartement, le docteur s’installa dans un fauteuil, et s’adressant à l’Ermite :

— Je ne vous demande pas votre nom, mon ami ; vous avez peut-être des raisons de le tenir secret et je n’ai pas le droit de rien exiger de vous après le grand service que vous venez de me rendre. Je suis à jamais votre débiteur.

— N’en parlons plus, dit l’homme. Je vais remonter tranquillement vers mon refuge. En attendant que vous vous fassiez panser demain matin, reposez-vous.

— Mais je ne veux pas vous laisser partir ainsi.

— Oh ! vous ne pouvez rien faire pour moi, monsieur Lamar, dit le vagabond. Alors…

— Qui vous a dit mon nom ?

— Je… je vous ai vu plusieurs fois, répondit l’Ermite évasivement.

— Eh bien ! si vous ne voulez rien accepter, prenez toujours ma carte, sur laquelle je vais écrire quelques mots.

Voici ce que Max écrivit :

« Je n’oublierai pas l’aide que vous m’avez donnée. Si jamais vous avez besoin de moi, comptez sur mon assistance. »

L’homme prit la carte, balbutia quelques remerciements et partit.

Où ai-je vu cet homme-là ? se deman-