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Sam Smiling courait droit dans la direction de la gare de marchandises qui se trouvait à un mille de là. Il franchissait des jardins potagers qui s’étendaient dans cette partie de la plaine et c’est à peine si un cultivateur isolé leva la tête pour assister à cette course éperdue.

Lamar ne semblait pas se fatiguer ; il se rapprochait peu à peu. Encore quelques minutes et le cordonnier receleur ne pourrait lui échapper.

Mais, tout à coup, il perdit sa trace. Sam Smiling, qui venait d’atteindre la voie ferrée, obliqua brusquement à gauche et s’éclipsa derrière la maisonnette d’une garde-barrière.

Était-ce un nouveau siège à recommencer ? Max Lamar, perplexe, s’arrêta quelques secondes.

Il eut tort. À ce moment un train de marchandises démarrait lentement de la gare voisine. Déjà la machine avait dépassé le passage à niveau.

Une silhouette surgit de la maison de la garde-barrière et bondit vers le convoi.

C’était Sam Smiling qui avait immédiatement compris le secours inespéré que lui apportait cet événement imprévu.

Sautant légèrement sur le marchepied d’un wagon de bestiaux, il essaya d’en faire jouer la porte à coulisse. Mais il ne put y parvenir.

Un bœuf énorme et puissamment encorné passa sa tête par l’ouverture poussant un énorme mugissement.

Il n’y avait pas de temps à perdre. Sam empoigna à pleines mains les cornes de l’animal, fit un rétablissement prodigieux, et, par-dessus la tête de la bête, pénétra dans le wagon.

À vingt-cinq pas, Mai Lamar, qui accourait, lança une terrible imprécation, car le convoi avait pris un peu de vitesse et accélérait sa marche.

Quand le docteur atteignit la voie, le wagon de queue venait de passer juste à sa hauteur et le train filait à une allure si rapide, maintenant, que toute tentative pour te rejoindre paraissait inutile.



XXII

Où l’amour se précise


Pendant que ces événements se déroulaient loin d’elle, Florence Travis, sous la véranda qui dominait la mer, respirait à longs traits l’air pur du matin, et son corps souple, à travers la soie d’un kimono léger, recevait la caresse du soleil.

Au retour du bal, elle s’était couchée, mais n’avait pu trouver le sommeil. Les incidents de cette nuit mouvementée agitaient encore son esprit.

Outre le vol de son pendentif, bijou auquel elle tenait beaucoup, et l’agression dont la pauvre Mary avait été victime, une autre pensée la troublait jusqu’au plus profond de l’âme.