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d’œil, vérifia qu’il contenait bien d’admirables diamants. Elle sourit au succès de sa ruse et revint lentement vers la maison.

Sur le sable, à un endroit éclairé par la lumière d’une fenêtre, elle laissa tomber la boîte de cuir, puis se dirigea sans trop s’éloigner vers les jardins d’où revenaient Lamar, Redmon, Strong et les garçons de l’hôtel.

— Eh bien ? demanda-t-elle.

— Rien, dit Lamar ; le misérable nous a échappé. Nous l’avons entendu courir dans les allées, mais il a atteint le mur avant nous et s’est enfui. C’est un acrobate, il a franchi le mur en un instant.

— Je suis perdu, je suis perdu ! gémissait Strong, absorbé dans son désespoir.

— Qu’est-ce que c’est que cela ? s’écria soudain le directeur de l’hôtel, qui avait aperçu, le premier, l’écrin sur le sable.

Strong s’élança comme un fou vers la boîte de cuir. Il l’ouvrit, vit les diamants, et une telle joie le suffoqua, qu’il faillit s’évanouir et qu’on dut le soutenir.

— Quelle leçon ! Quelle leçon ! murmura-t-il avec l’accent d’une résolution farouche. Ah ! on ne m’y reprendra plus à faire le jeune homme…

— Le voleur a dû jeter cela en se croyant sûr d’être pris, dit Lamar, pensif. Cela indique bien peu de courage de sa part. Sa complice, qui opérait au bal, était infiniment plus déterminée.

Un cri de Florence l’interrompit.

— Mary ! Mary ! qu’avez-vous ? s’exclamait la jeune fille, en se précipitant.

La gouvernante, pâle comme une morte, et le visage meurtri par le coup qu’elle avait reçu, se tenait debout sur le seuil de l’hôtel, et le petit jour qui venait la faisait plus livide encore.

Florence la saisit dans ses bras. Mary, se raidissant contre sa faiblesse, prit la jeune fille à part et, en quelques mots, la mit au courant de ce qui lui était arrivé.

— Nous allons rentrer. Il faut vous soigner, lui dit Florence, bouleversée d’émotion. Docteur Lamar, voulez-vous être assez bon pour nous accompagner jusqu’à la villa ? Ma pauvre Mary a besoin de nos soins.

Quelques instants après, la voiture, qui les attendait toujours, les emportait.

Mary, sur la demande de Florence, raconta au médecin légiste les étranges événements auxquels elle avait assisté, cachée dans le fauteuil du salon de repos. Elle finissait son récit comme la voiture s’arrêtait devant la villa de Mme Travis.

Il faisait grand jour au moment où Florence, Mary et le docteur Max Lamar mirent pied à terre et entrèrent dans le jardin.

— Et cette femme, qui s’était tracé sur la main le Cercle Rouge, la reconnaîtriez-vous ? demandait Lamar.

— Oui, oui, dit Mary…

Et, tout à coup, ses yeux s’agrandirent, devinrent fixes. À travers les buissons bordant la grille du jardin, elle regardait passer une personne qui, d’un pas rapide, s’en allait sur la route menant vers la gare.

— La voici ! s’écria Mary. C’est elle ! C’est la voleuse au Cercle Rouge !

— En êtes-vous certaine ? dit Lamar rapidement.

— Oui, oui, certaine ! affirma Mary. C’est elle ! C’est bien elle !

Sans rien dire de plus, Max Lamar sortit du jardin et s’engagea, sur les traces de Clara Skinner, qui se hâtait pour prendre le premier train, où le médecin légiste monta derrière elle sans être remarqué.


fin du sixième épisode