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sieurs bijoux de prix ont été dérobés avec tant d’adresse que les victimes ne se sont aperçu de rien sur le moment. Il est évident qu’un professionnel a choisi nos salons pour y opérer. Voulez-vous m’aider à le retrouver ?

Et comme Lamar faisait un geste de protestation.

— Ne refusez pas, je vous en prie : vous êtes médecin et non détective, je le sais bien, mais c’est une affaire délicate. Si j’appelle la police et que le scandale éclate, sans parler du tort qui me sera fait, cela donnera l’éveil au voleur qui, sans doute, réussira à fuir. Au lieu de cela, une enquête discrète que vous conduiriez avec la merveilleuse habileté dont vous avez déjà donné des preuves.

Lamar réfléchissait. Il voyait une concordance entre ces vols de bijoux et le vol de documents dont Ted Drew avait été victime.

— N’avez-vous aucun indice, quel qu’il soit, qui puisse vous mettre sur la trace du voleur ? demanda-t-il au directeur de l’hôtel.

— Aucun, je vous l’ai dit. Les personnes volées se sont aperçu, par hasard, qu’elles n’avaient plus leurs bijoux et elles ne savent quand ni comment on les leur a dérobés.

— Je ne vous demande pas si vous connaissez, seulement même de vue, toutes les personnes qui sont ici. C’est impossible. Eh bien, monsieur Redmon, je vais essayer de vous venir en aide. Veuillez aller m’attendre dans le petit salon, près du vestibule. Il vaut mieux que nous ne traversions pas le bal ensemble. Je vous rejoindrai dans quelques minutes.

Le directeur s’en alla et Lamar revint, aussitôt auprès de Florence, qui l’attendait, toujours assise sur le canapé adossé aux portières de velours. Le jeune homme reprit place auprès d’elle.

— Je vous demande pardon, lui dit-il, mais il s’agit encore d’une affaire de vols, de vols qui viennent d’être commis ici ce soir. J’ai promis de faire une enquête et je vais m’en occuper, mais gardez le silence à ce sujet.

— Qui a été volé ? demanda Florence, dont la curiosité était vivement surexcitée.

— Plusieurs personnes ; voici de quoi il s’agit.

Le médecin légiste commença le récit que lui avait fait le directeur.

Pendant qu’il parlait, un mouvement léger se produisit dans les portières retombant en lourds plis derrière le canapé.

Sans le moindre bruit, les portières s’écartèrent à demi, soulevées par une main invisible.

La tête pâle de Clara Skimer apparut un instant. Elle fixa sur Florence et sur le médecin le regard aigu de ses yeux noirs. Puis son visage redevint invisible, caché par les plis, retombés à demi, du velours noir. Sa main s’allongea, une main blanche, fine et soignée, sur le dos de laquelle était le Cercle Rouge vif que la voleuse y avait tracé elle-même quelques minutes plus tôt.

Cette main, très doucement, s’avança vers Florence que le récit de Lamar absorbait et, défaisant, avec une extraordinaire légèreté, le fermoir du collier agrafé sur la nuque de la jeune fille, elle enleva le bijou.

En sentant les perles glisser sur son cou, Florence jeta un cri et tourna la tête. Lamar, surpris, fit le même mouvement.

Tous deux virent la main marquée du Cercle Rouge et qui tenait le collier qu’elle venait de voler.