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Florence, au geste de Ted Drew, eut un mouvement de surprise et, d’un air interrogateur et étonné, parfaitement joué, elle regarda Lamar, comme pour lui demander ce que signifiait cette étrange conduite.

Mais Chertek, qui avait remarqué l’épingle d’argent fichée dans le grand chapeau de Florence et qui, d’ailleurs, trouvait ridicules les soupçons obstinés de son compagnon, se mit en avant pour détourner l’attention de la jeune fille.

— Voulez-vous me faire l’honneur de me présenter à mademoiselle, docteur Lamar ? demanda-t-il avec ses plus grands airs.

Lamar obéit et nomma également Ted Drew. La jeune fille leur adressa quelques paroles, puis les trois hommes prirent congé d’elle.

— Je compte vous voir ce soir au bal de l’hôtel Surfton, dit-elle gaiement à Max Lamar. N’y manquez pas !

Ils s’inclinèrent et poursuivirent leur route, pendant que Florence regagna sa villa. Sur la route, elle trouva Mary, que son absence prolongée tourmentait et qui lui exprima le désir qu’elle avait de l’accompagner, le soir, à l’hôtel Surfton, bien que Mme Travis eût manifesté l’intention de s’y rendre avec sa fille.

La pauvre gouvernante semblait si profondément inquiète de ce qui se passerait à ce bal ; que Florence ne put lui dire non.



XVIII

Le bal de l’hôtel Surfton


Lorsque l’auto amenant Florence, Mme Travis et Mary s’arrêta devant le péristyle de l’hôtel Surfton, le bal se trouvait déjà commencé. Tout le rez-de-chaussée de l’hôtel — le plus élégant de la plage — était brillamment éclairé. On voyait, à travers les fenêtres, dans les grandes salles, tourner les couples de danseurs et les mesures de la valse que jouait l’orchestre venaient mourir jusque dans l’ombre embaumée des grands jardins endormis dans la nuit douce.

Florence, impatiente comme un enfant qui craint de perdre quelques minutes d’un plaisir attendu, descendit de voiture, aida sa mère et sa gouvernante à mettre pied à terre à leur tour et, après avoir déposé son manteau au vestiaire, entra dans les salons où avait lieu le bal.

Florence, radieuse, les yeux brillants, le teint animé, jeta un coup d’œil enchanté sur la fête. Le Cercle Rouge et sa fatale puissance étaient bien loin de ses préoccupations ; elle avait totalement oublié le secret terrible de sa naissance ; elle ne se souvenait plus des aventures extravagantes et folles auxquelles, depuis quelques jours, elle avait été mêlée sans pouvoir s’en défendre. Non, elle se savait jolie et élégante, elle était au bal, elle voulait s’amuser, rien autre n’existait pour elle. Ainsi, parfois, la destinée accorde un court répit de joie