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agenda des Galeries Lafayette ! Je puis ouvrir ?

Marie-Thérèse. — Mais vous êtes fou ! Tous mes secrets…

D’Argine. — Précisément, la lecture doit en être passionnante.

Marie-Thérèse. — C’est ce qui vous trompe. et j’étais justement en train de me dire, quand vous avez fait dans ce salon une irruption si brillante, que ce journal sur lequel j’avais fondé tant d’espérances n’offrait pas la moindre parcelle d’intérêt.

D’Argine. — Pourtant, s’il est le résumé fidèle de votre vie ?

Marie-Thérèse. — C’est donc que ma vie n’a pas tout l’intérêt désirable.

D’Argine, avec ironie. — Cruelle déception !

Marie-Thérèse. — N’est-ce pas ? Je m’étais imaginée naïvement que j’aurais à subir des événements extraordinaires, des drames, des crises morales, enfin de ces émotions imprévues que le destin réserve, me semblait-il, aux jeunes personnes qui sortent du couvent. Et c’est, au contraire, l’existence la plus calme et la plus uniforme.

D’Argine. — Comment ! pas une catastrophe à vous mettre sous la dent ! pas même une bonne petite mort !

Marie-Thérèse. — Le néant.

D’Argine. — Alors que votre amie Henriette a eu le bonheur de se casser le bras dans un accident d’automobile et que Mlle de Normare a trouvé le temps de se fiancer à son cousin et d’être abandonnée par lui !

Marie-Thérèse. — Ni accident ni trahison. rien. Des jours gris.

D’Argine. — Ça ne se voit pas.