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Marie-Thérèse. — Ce petit cahier…

D’Argine. — Que vous lisiez avec tant d’attention. Que contient-il ?

Marie-Thérèse. — Ah ! ah ! ceci est grave.

D’Argine. — Je n’insiste pas.

Marie-Thérèse. — Mais si, mais si, je serai bonne princesse, et, puisque vous m interrogez sans la moindre discrétion, je vous dirai sans le moindre détour à quoi rêvait la jeune fille. (Il s’asseoit et se prépare à écouter solennellement. Elle montre son cahier.) Ce petit cahier, recouvert d’un modeste papier rose, représente, cher monsieur, quelque chose d’extrêmement important, le journal de ma vie intime, ni plus ni moins. (Il s’incline, très bas.) La première page, écrite il y a six mois, commence par ces mots : « 25 avril, je quitte le couvent. »

D’Argine. — Date mémorable !

Marie-Thérèse. — Tout simplement mon entrée dans la vie.

D’Argine. — Votre naissance, quoi !

Marie-Thérèse. — Ma naissance, et depuis, chaque soir, je résume consciencieusement le récit de ma journée.

D’Argine. — Excellente habitude. Saint-Simon, Goncourt s’en sont fort bien trouvés. Je suis curieux…

Il tend la main.

Marie-Thérèse. — Que voulez-vous ?

D’Argine. — Tenir ce trésor entre mes mains.

Elle le lui passe sans enthousiasme. Le dessus de la couverture rose se détache.

D’Argine, lisant. — Agenda des Galeries Lafayette !

Marie-Thérèse. — C’était plus commode, à cause de la date sur chaque page.

D’Argine, toujours très ému. — Plus commode et très féminin : la confession d’une jeune fille sur un