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D’Argine. — Vous pleuriez donc ?

Un temps.

Marie-Thérèse, interdite. — C’est-à-dire… non… du moins vous avez cru…

Elle se tait, décontenancée.

D’Argine, seconde tentative sur le cahier. — Regardons, voulez-vous ? La vérité est ici… nous saurons au juste…

Marie-Thérèse, avec une dernière résistance. — Non… pas vous… je vais lire… mais je vous le répète… il n’y a rien… il ne peut rien y avoir. (Feuilletant.) Le 18 septembre, n’est-ce pas ? 15 septembre… 16… 17… 19… (Elle s’arrête, examine, reprend.) |6… 17… 19… (Toute confuse.) La page est arrachée.

Un silence.

D’Argine, très bas. — Ah ! c’est délicieux… c’est adorable… cette page qui manque… (Un silence très doux. Il continue.) Un mot encore… Il y a trois jours, nous avons passé l’après-midi au Grand-Chêne et sur l’arbre, avec la pointe d’un couteau, j’ai creusé les lettres de votre nom. Quelques paroles… plus graves… ont été échangées entre nous, les avez-vous écrites ?

Marie-Thérèse. — Je ne sais plus… je ne comprends plus rien. Lisez…

D’Argine, après avoir cherché.— « 7 octobre. Dans un an, dans deux ans, je retournerai à la même date au Grand-Chêne et j’y passerai l’après-midi. » (Elle s’est levée et regarde par la fenêtre, te visage contre la vitre. D’Argine, s’approchant.) Pardonnez-moi, je vous ai presque dérobé le secret de ces pages. Maintenant, je n’ose pas vous demander si c’est bien le secret de votre cœur… Je n’ose plus parler… j’ai peur d’apporter trop de lumière dans l’ombre où votre âme se plaisait… Pardonnez-moi. (Elle se tourne vers lui toute rougissante et le regarde.) Oh ! Marie-Thérèse, votre secret est dans vos yeux.