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Marie-Thérèse, fortement. — C’est faux, il n’y a pas cela. S’il y avait cela, vraiment, vous pourriez croire…

D’Argine. — Je ne crois rien ; je n’interprète pas… Je me rappelle seulement vous avoir vue pleurer.

Marie-Thérèse, se débattant. — Non, non, je n’ai pas pleuré. Et puis, moi, jalouse ? En quel honneur ? De quel droit ?

D’Argine, la main tendue. — Votre journal pourrait nous renseigner.

Marie-Thérèse. — Non.

D’Argine. — Je vous en prie…

Marie-Thérèse, nettement. — N’insistez pas, monsieur d’Argine.

Un silence. D’Argine s’éloigne, va vers la fenêtre, tapote des doigts sur les vitres.

D’Argine, se retournant. — Vous dites ?

Marie-Thérèse. — Moi ? rien.

D’Argine. — Ah ! il m’avait semblé…

Marie-Thérèse. — Il vous avait semblé…

D’Argine. — Que vous m’offriez votre cahier.

Marie-Thérèse. — Je vous prie de n’y pas toucher.

D’Argine. — Je ne lui aurais fait aucun mal.

Il s’asseoit, dérange des objets, jette machinalement trois morceaux de sucre dans une tasse, s’efforce d’y verser du thé, puis repêche les morceaux de sucre qu’il se met à casser distraitement du pouce sur la table.

D’Argine, absorbé. — J’ai eu tort de mêler le nom de Mme de Géral à notre petit différend. Mme de Géral est une vieille amie de ma mère, une femme très bien, fille et veuve de deux intendants militaires de premier ordre.

Marie-Thérèse, perdant tout sang-froid. — C’est une femme excessivement méchante, envieuse, mesquine, pas jolie du tout et mauvaise langue ! et fausse ! Ah ! je l’ai jugée ! D’une