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D’Argine. — Celles-là me suffisent. (Après un instant.) Je vous en prie, continuez.

Marie-Thérèse, tournant les pages. — Il n’est pas question de vous.

D’Argine. — Êtes-vous sûre ?

Marie-Thérèse. — Mais oui. J’ai l’habitude de souligner tous les noms propres. Le vôtre n’y est pas.

D’Argine. — Comment ! durant ces semaines…

Marie-Thérèse. — Regardez.

Elle lui tend le cahier.

D’Argine, lisant. — 23 août. Il m’a dit ce matin qu’il aimait la couleur de mes cheveux. Qui ça, il ?

Marie-Thérèse. — Je ne sais pas… mon père, sans doute.

D’Argine. — Ah ! (Il continue.) Le 24 août. Ce soir, il m’a dit : « Vous avez des yeux par lesquels on est heureux d’être regardé. » Qui vous a dit cela ? votre père ?

Marie-Thérèse, balbutiant. — Non… je ne sais pas… Ah ! oui, mon amie Henriette.

D’Argine. — Ah !… il, c’est votre amie Henriette.

Marie-Thérèse, d’une voix faible. — Je vous en prie, rendez-moi ce cahier.

D’Argine, continuant. — « 25 août. C’est curieux comme il a l’air gauche quelquefois et comme il manque d’esprit… » Passons. Il s’agit de votre amie Henriette.

Marie-Thérèse, reprenant le cahier. — Assez, je ne vois pas l’intérêt…

D’Argine. — Nous le verrons par la suite. Ce qui nous semble obscur s’éclaircira.

Marie-Thérèse. — Rien n’est obscur. Ces lignes n’ont qu’un seul sens : celui que je leur ai donné.

D’Argine. — Le croyez-vous ?