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Marie-Thérèse. — C’est tout.

D’Argine. — Comme développement, cela n’a rien d’exagéré.

Marie-Thérèse. — Sans doute n’aurai-je pas eu le temps d’écrire ce soir-là.

D’Argine, vexé au fond. — Oh ! ne vous excusez pas. Je n’avais pas la prétention de croire que le fait de me connaître aurait pris sur votre agenda les proportions d’un devoir de style. « 22 juillet. On m’a présenté monsieur d’Amine », me semble déjà fort coquet. Il faudrait être bigrement difficile pour ne pas s’en contenter !

Marie-Thérèse, riant. — Il y a des tas de gens qui n’ont même pas la faveur d’une ligne sur cet agenda.

D’Argine. — Le mikado, par exemple.

Marie-Thérèse. — Justement.

D’Argine. — Le lendemain, mademoiselle, nous avons été à Vaucottes en bande. On s’est assis sur la plage et, comme la conversation languissait, nous avons cherché des petits jeux nouveaux. J’ai proposé de jeter des galets dans la mer.

Marie-Thérèse. — Comme jeu nouveau…

D’Argine. — Alors vous, vous y avez jeté votre mouchoir, en disant à Georges de Lusson : « Je vous défie de me le rapporter. »

Marie-Thérèse. — C’était stupide.

D’Argine. — Et très féminin. Lusson a ri et n’a pas bougé. Moi, j’ai marché droit vers la mer, et je suis entré dans l’eau jusqu’à mi-corps… sans même relever le bas de mon pantalon. Avez-vous noté ce trait d’héroïsme !

Marie-Thérèse, lisant. — « 23 Juillet. Beaucoup dansé. Georges de Lusson bostonne admirablement… »

D’Argine. — Allez donc vous jeter à l’eau pour sauver la vie d’un mouchoir qui se noie.

Marie-Thérèse, pensive. — C’est drôle ! Je me rappelle si bien, cependant…