pérais avoir à noter certains jours, je ne sais pas quoi… mais des vraies choses, des vrais faits…
D’Argine. — Par exemple : « Ce matin, Pierre m’a enlevée. Cet après-midi, Paul m’a reprise à Pierre. Ce soir, Jean a tué Paul, s’est suicidé et m’a achevée d’un coup de couteau. »
Marie-Thérèse. — À la bonne heure : quoique mon ambition ne se borne pas, comme vous paraissez le croire assez, insolemment, cher monsieur, à un choix d’événements romanesques. Il y a bien d’autres rêves que l’amour.
D’Argine. — En vérité !
Marie-Thérèse. — Et c’est tout autant ces autres rêves auxquels je me plais. La vie n’offre-t-elle donc jamais l’occasion de se dévouer ?
D’Argine. — De se sacrifier ?…
Marie-Thérèse. — D’être bonne, généreuse ?…
D’Argine. — Héroïque…
Marie-Thérèse. — D’agir, de lutter pour les autres ?
D’Argine. — Ou contre eux.
Marie-Thérèse. — De vivre, enfin, que ce soit dans la peine ou dans la joie ?
D’Argine. — Noble désir ! Mais vous ne vivez donc pas ?
Marie-Thérèse. — Je n’en ai pas suffisamment l’impression.
D’Argine. — Et alors ?
Marie-Thérèse. — Alors, j’attends.
D’Argine. — L’éclair, l’orage, la commotion formidable qui ouvrira toutes grandes devant vous les portes du bonheur absolu ou du désespoir intégral ?