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vante, et, se penchant vers elle, ému par sa douleur :

— Je vous en prie, répondez sans détours. C’est à cause de Gilbert, n’est-ce pas ?… Si la justice n’a pas pu, heureusement, déchiffrer l’énigme de son passé, si l’on ne sait pas jusqu’ici le véritable nom du complice de Vaucheray, quelqu’un tout au moins le sait, n’est-ce pas ? N’est-ce pas ? Daubrecq a reconnu votre fils Antoine sous le masque de Gilbert ?

— Oui, oui…

— Et il vous promet de le sauver, n’est-ce pas ? Il vous offre sa liberté, son évasion, je ne sais quoi… C’est cela, n’est-ce pas, qu’il vous a offert une nuit, dans son bureau, une nuit où vous avez voulu le frapper ?…

— Oui… oui… c’est cela…

— Et comme condition, une seule, n’est-ce pas ? une condition abominable, telle que ce misérable pouvait l’imaginer ? j’ai compris, n’est-ce pas ?

Clarisse ne répondit point. Elle semblait épuisée par une longue lutte contre un ennemi qui, chaque jour, gagnait du terrain, et contre qui il était vraiment impossible qu’elle combattît. Lupin vit en elle la proie conquise d’avance, livrée au caprice du vainqueur. Clarisse Mergy, la femme aimante de ce Mergy que Daubrecq avait réellement assassiné, la mère épouvantée de ce Gilbert que Daubrecq avait dévoyé, Clarisse Mergy, pour sauver son fils de l’échafaud, devrait, quoi qu’il advînt, et quelle que fût l’ignominie de la chose, se soumettre au désir de Daubrecq. Elle serait la maîtresse, la femme, l’esclave obéissante de Daubrecq, de ce monstre à la silhouette et aux allures de bête fauve, de ce personnage innommable auquel Lupin ne pouvait songer sans un soulèvement de révolte et de dégoût.

S’asseyant auprès d’elle, doucement avec des gestes de compassion, il la contraignit à lever la tête, et il lui dit, les yeux dans les yeux :

— Écoutez-moi bien. Je vous jure de sau-