Page:Leblanc - Le Bouchon de cristal, paru dans Le Journal, 25-09 au 09-11-1912.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quit, et me convainquit moi aussi, qu’il valait mieux agir par nous-mêmes. Il étudia l’affaire, en prit la direction, et finalement organisa l’expédition d’Enghien et, sous votre conduite, le cambriolage de la villa Marie-Thérèse, que Prasville et ses agents n’avaient pu visiter à fond, par suite de la surveillance active du domestique Léonard. C’était de la folie. Il fallait, ou bien s’abandonner à votre expérience, ou bien vous tenir absolument en dehors du complot, sous peine de malentendu funeste et d’hésitation dangereuse. Mais que voulez-vous, Vaucheray nous dominait. J’acceptai une entrevue avec Daubrecq au théâtre. Pendant ce temps, l’affaire eut lieu. Quand je rentrai chez moi vers minuit, j’en appris le résultat effroyable, le meurtre de Léonard, l’arrestation de mon fils… Aussitôt, j’eus l’intuition de l’avenir. L’épouvantable prédiction de Daubrecq se réalisait : c’étaient les assises, c’était la condamnation. Et cela par ma faute, par la faute de moi, la mère, qui avait poussé mon fils vers l’abîme d’où rien ne pouvait plus le tirer.

Clarisse se tordait les mains et des frissons de fièvre la secouaient des pieds à la tête. Quelle souffrance peut se comparer à celle d’une mère qui tremble pour la tête de son fils ? Ému de pitié, Lupin lui dit :

— Nous le sauverons. Là-dessus, il n’y pas l’ombre d’un doute. Mais il est nécessaire que je connaisse tous les détails. Achevez, je vous en prie… Comment avez-vous su, le soir même, les événements d’Enghien ?

Elle se domina et, le visage contracté d’angoisse et de fièvre, elle répondit :

— Par deux de vos complices, ou plutôt par deux complices de Vaucheray à qui ils étaient entièrement dévoués et qu’il avait choisis pour conduire les deux barques.

— Ceux qui sont là dehors, Grognard et Le Ballu ?

— Oui. À votre retour de la villa, lorsque, poursuivi sur le lac par le commissaire de police, vous avez abordé, vous leur avez jeté quelques mots d’explication tout en vous dirigeant vers votre automobile.