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— Quoi… fit Lupin en sursautant, est-ce que Daubrecq ?…

— On sut que Daubrecq, depuis quelques jours, la poursuivait de ses assiduités, mais on ne sut rien de plus. Il fut impossible d’établir qui était entré en l’absence de Prasville, et qui était sorti. On ne découvrit aucune trace, rien, absolument rien.

— Cependant Prasville…

— Pour Prasville, pour nous, la vérité ne fit pas de doute. Daubrecq a voulu enlever la jeune femme, a voulu peut-être la brusquer, la contraindre et, au cours de la lutte, affolé, perdant la tête, il l’avait saisie à la gorge et tuée, presque à son insu. Mais, de tout cela, pas de preuve ; Daubrecq ne fut même pas inquiété.

— Et par la suite, que devint-il ?

— Pendant des années, nous n’entendîmes pas parler de lui. Nous sûmes seulement qu’il s’était ruiné au jeu, et qu’il voyageait en Amérique. Et, malgré moi, j’oubliais sa colère et ses menaces, toute disposée à croire que lui-même, ne m’aimant plus, ne pensait plus à ses projets de vengeance. D’ailleurs j’étais trop heureuse pour m’occuper de ce qui n’était pas mon amour, mon bonheur, la situation politique de mon mari, la santé de mon fils Antoine.

— Antoine ?

— Oui, c’est le vrai nom de Gilbert, le malheureux a tout au moins réussi à cacher sa personnalité.

Lupin demanda :

— À quelle époque… Gilbert… a-t-il commencé ?…

— Je ne saurais vous le dire au juste. Gilbert — j’aime autant l’appeler ainsi, et ne plus prononcer son nom véritable — Gilbert, enfant, était ce qu’il est aujourd’hui, aimable, sympathique à tous, charmant, mais paresseux et indiscipliné. Lorsqu’il eut quinze ans, nous le mîmes dans un collège des environs de Paris, précisément pour l’éloigner un peu de nous. Au bout de deux ans, on le renvoyait.

— Pourquoi ?