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un moment immobile, indécis sur ce qu’il allait faire avec la proie conquise. Mais les autres s’agitaient derrière la porte et s’exclamaient. Alors, craignant le réveil de Daubrecq, il glissa la petite chose sous son veston, contre sa poitrine, empêcha les cris avec son mouchoir roulé en tampon, et remonta hâtivement les trois étages.

— Tiens, dit-il à Victoire, qui se réveilla en sursaut, je t’amène le chef indomptable de nos ennemis, l’hercule de la bande. As-tu un biberon ?

Il déposa sur le fauteuil un enfant de six à sept ans, menu dans son jersey gris, coiffé d’une calotte de laine tricotée, et dont l’adorable visage tout pâle, aux yeux épouvantés, était tout sillonné de larmes.

— Où as-tu ramassé ça ? fit Victoire, ahurie.

— Au bas de l’escalier et sortant de la chambre de Daubrecq, répondit Lupin, qui tâtait vainement le jersey dans l’espoir que l’enfant aurait apporté de cette chambre un butin quelconque.

Victoire s’apitoya.

— Le pauvre petit ange ! Regarde… il se retient de crier… Jésus, Marie ! il a des mains, c’est des glaçons ! N’aie pas peur, fiston, on ne te fera pas de mal… le monsieur n’est pas méchant.

— Non, dit Lupin, pas méchant pour deux sous, le monsieur, mais il y a un autre monsieur, très méchant qui va se réveiller si tu continues à faire du boucan comme cela, à la porte du vestibule. Tu les entends, Victoire ?

— Qui est-ce ?

— Les satellites de notre jeune hercule, la bande du chef indomptable.

— Alors ? balbutia Victoire, déjà bouleversée.

— Alors comme je ne veux pas être pris au piège, je commence par ficher le camp. Tu viens, Hercule ?

Il roula l’enfant dans une couverture de laine, de manière à ce que la tête dépassât, le bâillonna aussi soigneusement