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sions sous le bras. Tout de suite il nota son agitation et sa pâleur extraordinaires.

— Qu’y a-t-il ? lui demanda Lupin, en marchant aux côtés de la vieille nourrice.

Elle entra dans un grand magasin d’épicerie où il y avait beaucoup de gens, et, se retournant vers lui :

— Tiens, dit-elle, d’une voix altérée par l’émotion, voilà ce que tu cherches.

Et, tirant un objet de son panier, elle le lui donna. Lupin demeura confondu : il tenait en main le bouchon de cristal.

— Est-ce possible ? est-ce possible ? murmura-t-il, comme si la facilité d’un pareil dénouement l’eût déconcerté.

Mais le fait était là, visible et palpable. À sa forme, à ses proportions, à l’or éteint de ses facettes, il reconnaissait, à ne s’y point tromper, le bouchon de cristal qu’il avait eu déjà sous les yeux. Il n’était point jusqu’à une certaine petite éraflure qu’on ne remarquât sur la tige, et dont il se souvenait parfaitement.

D’ailleurs, si l’objet représentait tous les mêmes caractères, il n’en offrait aucun autre qui semblât nouveau. C’était un bouchon de cristal, voilà tout. Aucune marque réellement spéciale ne le distinguait des autres bouchons. Aucun signe ne s’y trouvait inscrit, aucun chiffre, et, taillé dans un seul bloc, il ne contenait aucune matière étrangère.

— Alors quoi ?

Et Lupin eut la vision subite et profonde de son erreur. Que lui importait de posséder ce bouchon de cristal, s’il en ignorait la valeur ? Ce morceau de verre n’existait pas par lui-même, il ne comptait que par la signification qui s’attachait à lui. Avant de le prendre il fallait savoir. Et qui pouvait même lui assurer que, en le prenant, en le dérobant à Daubrecq, il ne commettait pas une bêtise ?

Question impossible à résoudre, mais qui s’imposait à lui avec une rigueur singulière.

— Pas de gaffes ! se dit-il en rempochant