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Lupin prononça :

— Sortons, monsieur, l’entretien sera plus facile dehors.

— Ici, mon prince, riposta le député, il aura lieu ici, tout à l’heure, pendant l’entr’acte. Comme cela, nous ne dérangerons personne.

— Mais…

— Pas la peine, mon bonhomme, tu ne bougeras pas.

Et il saisit Lupin au collet, avec l’intention évidente de ne plus le lâcher avant l’entr’acte.

Geste imprudent… Comment Lupin eût-il consenti à rester dans une pareille attitude, et surtout devant une femme, une femme à laquelle il avait offert son alliance, une femme — et pour la première fois il pensait à cela — qui était belle et dont la beauté grave lui plaisait. Tout son orgueil d’homme se cabra.

Pourtant il se tut. Il accepta sur son épaule la pesée lourde de la main, et même il se cassa en deux, comme vaincu, impuissant, presque peureux.

— Ah ! drôle, railla le député, il paraît qu’on ne crâne plus.

Sur la scène les acteurs, en grand nombre, disputaient et faisaient du bruit.

Daubrecq ayant un peu desserré son étreinte, Lupin jugea le moment favorable.

Violemment, avec le coupant de la main, il le frappa au creux du bras, ainsi qu’il eût fait avec une hache.

La douleur décontenança Daubrecq. Lupin acheva de se dégager et s’élança sur lui pour le prendre à la gorge. Mais Daubrecq, aussitôt sur la défensive, avait fait un mouvement de recul, et leurs quatre mains se saisirent.

Elles se saisirent avec une énergie surhumaine, toute la force des deux adversaires se concentrant en elles. Celles de Daubrecq étaient monstrueuses, et Lupin, happé par cet étau de fer, eut l’impression qu’il combattait, non pas avec un homme, mais avec quelque bête formidable, un gorille de taille colossale.