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Le tenant alors d’une main, de l’autre il le gifla, deux fois, à toute volée.

L’homme se releva lentement. Il était livide et vacillait sur ses jambes. Il attendit un moment, comme pour reprendre son sang-froid. Et, avec un calme effrayant, il tira de sa poche un revolver qu’il braqua sur Daubrecq.

Daubrecq ne broncha pas. Il souriait même d’un air de défi et sans plus s’émouvoir que s’il eût été visé par le pistolet d’un enfant.

Durant quinze à vingt secondes peut-être, l’homme resta le bras tendu, en face de son ennemi. Puis, toujours avec la même lenteur où se révélait une maîtrise d’autant plus impressionnante qu’elle succédait à une crise d’agitation extrême, il rentra son arme et, dans une autre poche, saisit son portefeuille.

Daubrecq s’avança.

Le portefeuille fut déplié. Une liasse de billets de banque apparut.

Daubrecq s’en empara vivement et les compta.

C’étaient des billets de mille francs.

Il y en avait trente.

L’homme regardait. Il n’eut pas un geste de révolte, pas une protestation. Visiblement, il comprenait l’inutilité des paroles. Daubrecq était de ceux qu’on ne fléchit pas. Pourquoi perdrait-il son temps à le supplier, ou même à se venger de lui par des outrages et des menaces vaines ? Pouvait-il atteindre cet ennemi inaccessible ? La mort même de Daubrecq ne le délivrerait pas de Daubrecq.

Il prit son chapeau et s’en alla.

À onze heures du matin, en rentrant du marché, Victoire remit à Lupin un mot que lui envoyaient ses complices.

Il lut :

« L’homme qui est venu cette nuit chez Daubrecq est le député Langeroux, président de la gauche indépendante. Peu de fortune, famille nombreuse. »

— Allons, se dit Lupin, Daubrecq n’est autre chose qu’un maître chanteur, mais,