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Elle hésitait pourtant, le bras dressé. Mais ce ne fut qu’une défaillance brève. Elle serra les dents. Toute sa face, contractée par la haine, se tordit davantage encore. Et elle fit le geste effroyable.

Au même instant, Daubrecq s’aplatissait, bondissait de sa chaise, et, se retournant, attrapait au vol le frêle poignet de la femme.

Chose curieuse, il ne lui adressa aucun reproche, comme si l’acte qu’elle avait tenté ne l’eût point surpris plus qu’un acte ordinaire, très naturel, et très simple. Il haussa les épaules, en homme habitué à courir ces sortes de dangers, et il marcha de long en large, silencieux.

Elle avait lâché l’arme, et elle pleurait, la tête entre ses mains, avec des sanglots qui la secouaient tout entière.

Puis il revint près d’elle, et lui dit quelques paroles en frappant encore sur la table.

Elle fit signe que non, et, comme il insistait, à son tour elle frappa violemment du pied, en criant, et si fort que Lupin entendit :

— Jamais !… Jamais !…

Alors, sans un mot de plus, il alla chercher le manteau de fourrure qu’elle avait apporté, et le posa sur les épaules de la femme, tandis qu’elle s’enveloppait le visage d’une dentelle.

Et il la reconduisit.

Deux minutes plus tard, la grille du jardin se refermait.

— Dommage que je ne puisse pas courir après cette étrange personne et jaser un peu avec elle sur le Daubrecq. M’est avis qu’à nous deux on ferait de la bonne besogne.

En tout cas, il y avait un point à éclaircir. Le député Daubrecq, dont la vie était si réglée, si exemplaire en apparence, ne recevait-il pas certaines visites, la nuit, alors que l’hôtel n’était plus surveillé par la police ?