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sais trop quand j’aurai le plaisir de vous revoir. Si vous avez la moindre communication à me faire, une simple ligne aux petites annonces du Journal suffira. Comme adresse : Monsieur Nicole. Je vous salue.

Il se retira.

À peine seul, Prasville eut l’impression qu’il s’éveillait d’un cauchemar pendant lequel il avait accompli des actes incohérents, et sur lesquels sa conscience n’avait eu aucun contrôle. Il fut près de sonner, de jeter l’émoi dans les couloirs ; mais en ce moment, on frappait à la porte, et l’un des huissiers entra vivement.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Prasville.

— Monsieur le secrétaire général, c’est M. le député Daubrecq qui désire être reçu… pour une affaire absolument urgente.

— Daubrecq ! s’écria Prasville stupéfait. Daubrecq ici ! Faites entrer.

Daubrecq n’avait pas attendu l’ordre. Il se précipitait vers Prasville, essoufflé, les vêtements en désordre, un bandeau sur l’œil gauche, sans cravate, sans faux col, l’air d’un fou qui vient de s’échapper, et la porte n’était pas close qu’il agrippait Prasville de ses deux mains énormes.

— Tu as la liste ?

— Oui.

— Tu l’as achetée ?

— Oui.

— Contre la grâce de Gilbert ?

— Oui.

— C’est signé ?

— Oui.

Daubrecq eut un mouvement de rage.

— Imbécile ! Imbécile ! tu t’es laissé faire ! Par haine contre moi, n’est-ce pas ? Et maintenant tu vas te venger ?

— Avec un certain plaisir, Daubrecq. Rappelle-toi ma petite amie de Nice, la danseuse de l’Opéra… C’est ton tour, maintenant, de danser.

— Alors, c’est la prison ?

— Pas la peine, dit Prasville. Tu es fichu. Privé de la liste, sans aucune défense, tu vas t’effondrer de toi-même. Et moi, j’assisterai à ta débâcle. Voilà ma vengeance.

— Et tu crois ça ! proféra Daubrecq exaspéré. Tu crois qu’on m’étrangle comme