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Devant le vestibule de la prison, le fourgon était rangé, le fourgon de la mort qui porterait bientôt les deux têtes coupées.

Aidés par les aides, Vaucheray et Gilbert gravirent les marches de la voiture. Et l’on partit, le long des murs.

Étape interminable, affreuse… trop courte cependant ! car, à l’angle du boulevard, le fourgon stoppa.

C’était fini. On avait atteint le but. On touchait à l’enfer. Péniblement on les fit descendre tous deux.

Ils marchèrent.

Quelques pas encore… Vaucheray eut un recul. Il avait vu !

Gilbert rampait, la tête baissée, soutenu par un aide et par l’aumônier qui lui faisait baiser le crucifix.

La guillotine se dressa…

— Non, non, protesta Gilbert… je ne veux pas… je n’ai pas tué… je n’ai pas tué… Au secours ! Au secours !

Appel suprême qui se perdit dans l’espace.

Le bourreau eut un geste. On empoigna Vaucheray, on le souleva, on l’entraîna, au pas de course presque.

Et alors il se produisit cette chose stupéfiante : un coup de feu, un coup de feu qui partit d’en face, d’une maison opposée.

Les aides s’arrêtèrent net.

Entre leurs bras, le fardeau qu’ils traînaient avait fléchi.

— Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’y a-t-il ? demandait-on.

— Il est blessé…

Du sang jaillissait au front de Vaucheray et lui couvrait le visage.

Il bredouilla :

— Ça y est… dans le mille ! Merci, patron, merci… Je n’aurai pas la tête coupée… Merci, patron !… Ah ! quel chic type !…