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— Il faudra dire à ma mère que je lui demande pardon.

— Votre mère ?

— Oui… qu’on répète mes paroles dans les journaux… Elle comprendra… Elle sait que je n’ai pas tué, elle. Mais je lui demande pardon du mal que je lui fais, du mal que j’ai pu faire. Et puis…

— Et puis, Gilbert ?

— Eh bien, je veux que le « patron » sache que je n’ai pas perdu confiance…

Il examina les assistants les uns après les autres, comme s’il eût eu le fol espoir que le « patron » fût un de ceux-là, déguisé, méconnaissable, et prêt à l’emporter dans ses bras.

— Oui, dit-il doucement et avec une sorte de piété religieuse, oui, j’ai confiance encore, même en ce moment… Qu’il sache bien cela, n’est-ce pas ?… Je suis sûr qu’il ne me laissera pas mourir… j’en suis sûr.

On devinait, au regard de ses yeux fixes, qu’il « voyait » Lupin, qu’il sentait l’ombre de Lupin rôder aux alentours et chercher une issue pour pénétrer jusqu’à lui. Et rien n’était plus émouvant que le spectacle de cet enfant, vêtu de la camisole de force, dont les bras et les jambes étaient liés, que des milliers d’hommes gardaient, que le bourreau tenait déjà sous sa main inexorable « et qui, cependant, espérait encore ».

L’angoisse étreignait les cœurs. Les yeux se voilaient de larmes.

— Pauvre gosse, balbutia quelqu’un.

Prasville, ému comme les autres et qui songeait à Clarisse, répéta tout bas :

— Pauvre gosse…

L’avocat de Gilbert pleurait, et il ne cessait de dire aux personnes qui se trouvaient près de lui :

— C’est un innocent qui va mourir.