Page:Leblanc - Le Bouchon de cristal, paru dans Le Journal, 25-09 au 09-11-1912.djvu/237

Cette page a été validée par deux contributeurs.

heureux Gilbert, innocent du crime pour lequel il allait mourir. N’y avait-il pas là quelque chose de tragique, qui marquait davantage l’impuissance de Lupin ?

Et la conviction de cette impuissance était si profonde, si définitive, que Lupin n’eut aucune révolte en recevant ce télégramme de Le Ballu : « Accident de moteur. Une pièce cassée. Réparation assez longue. Arriverons demain matin. »

Une dernière preuve lui venait ainsi que le destin avait prononcé la sentence. Il ne songea pas davantage à s’insurger contre cette décision du sort.

Il regarda Clarisse. Elle dormait d’un sommeil paisible, et cet oubli de tout, cette inconscience, lui parurent si enviables que, soudain, pris à son tour d’un accès de lâcheté, il saisit la fiole, à moitié pleine encore de narcotique, et but.

Puis il s’en alla dans sa chambre, s’étendit sur son lit et sonna son domestique :

— Va te coucher, Achille, et ne me réveille sous aucun prétexte.

— Alors, patron, lui dit Achille, pour Gilbert et Vaucheray, rien à faire ?

— Rien.

— Ils y passeront ?

— Ils y passeront.

Vingt minutes après Lupin s’assoupissait.

Il était dix heures du soir.

Cette nuit-là fut tumultueuse autour de la prison. À une heure du matin la rue de la Santé, le boulevard Arago et toutes les rues qui aboutissent autour de la prison, furent gardés par des agents qui ne laissaient passer qu’après un véritable interrogatoire.

D’ailleurs la pluie faisait rage, et il ne semblait pas que les amateurs de ces sortes de spectacles dussent être nombreux. Par