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le patron ! Avec celui-là, rien à craindre. Il a promis, il tiendra. Ma tête sauterait qu’il arriverait à me la replanter sur les épaules, et solidement. Arsène Lupin, laisser mourir son petit Gilbert ? Ah ! non, permettez-moi de rigoler ! »

» Il y a dans cet enthousiasme quelque chose de touchant et d’ingénu qui n’est pas sans noblesse. Nous verrons si Arsène Lupin mérite une confiance aussi aveugle. »

C’est à peine si Lupin put achever cet article, tellement les larmes voilaient ses yeux, larmes d’attendrissement, larmes de pitié, larmes de détresse.

Non, il ne la méritait pas, la confiance de son petit Gilbert. Certes, il avait fait l’impossible, mais il est des circonstances où il faut faire plus que l’impossible, où il faut être plus fort que le destin, et, cette fois, le destin était plus fort que lui. Dès le premier jour et tout au long de cette lamentable aventure, les événements avaient marché dans un sens contraire à ses prévisions, contraire à la logique même. Clarisse et lui, bien que poursuivant un but identique, avaient perdu des semaines à se combattre. Puis, à l’instant même où ils unissaient leurs efforts, coup sur coup se produisaient les désastres effarants, l’enlèvement du petit Jacques, la disparition de Daubrecq, sa captivité dans la tour des Deux-Amants, la blessure de Lupin, son inaction, et puis les fausses manœuvres qui entraînaient Clarisse, et derrière elle, Lupin, vers le Midi, vers l’Italie. Et puis, catastrophe suprême, lorsque, après des prodiges de volonté, des miracles d’obstination, on pouvait croire que la Toison d’Or était conquise, tout s’effondrait. La liste des vingt-sept n’avait pas plus de valeur que le plus insignifiant des chiffons de papier.