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Avec la pointe d’un couteau, il desserra les dents de Clarisse, et, de force, lui fit avaler la moitié du flacon.

— Bien, dit-il. Comme ça, la malheureuse ne se réveillera que demain… après.

Il parcourut le journal que Clarisse avait lu et qu’elle tenait encore dans sa main crispée, et il avisa ces lignes :

« Les mesures d’ordre les plus rigoureuses sont assurées en vue de l’exécution de Gilbert et de Vaucheray, et dans l’hypothèse toujours possible d’une tentative d’Arsène Lupin pour arracher ses complices au châtiment suprême. Dès minuit, toutes les rues qui entourent la prison de la Santé seront gardées militairement. On sait en effet que l’exécution aura lieu devant les murs de la prison, sur le terre-plein du boulevard Arago.

»  Nous avons pu avoir des renseignements sur le moral des deux condamnés à mort. Vaucheray, toujours cynique, attend l’issue fatale avec beaucoup de courage. « Fichtre, dit-il, ça ne me réjouit pas, mais enfin, puisqu’il faut y passer, on se tiendra d’aplomb… » Et il ajoute : « La mort, je m’en fiche. Ce qui me tracasse, c’est l’idée qu’on va me couper la tête. Ah ! si le patron trouvait un truc pour m’envoyer dans l’autre monde, tout droit, sans que j’aie le temps de dire ouf ! Un peu de strychnine, patron, s’il vous plaît. »

» Le calme de Gilbert est encore plus impressionnant, surtout quand on se rappelle son effondrement en cour d’assises. Pour lui, il garde une confiance inébranlable dans la toute puissance d’Arsène Lupin. « Le patron m’a crié devant tout le monde de ne pas avoir peur, qu’il était là, qu’il répondrait de tout. Eh bien, je n’ai pas peur. Jusqu’au dernier jour, jusqu’à la dernière minute, au pied même de l’échafaud, je compte sur lui. C’est que je le connais,