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Il était cinq heures moins le quart.

À cinq heures précises, Prasville entra en courant et, tout de suite, il s’écria :

— Vous avez la liste ?

— Oui.

— Donnez.

Il tendait la main. Clarisse, qui s’était levée, ne broncha pas.

Prasville la regarda un moment, hésita, puis s’assit. Il comprenait. En poursuivant Daubrecq, Clarisse Mergy n’avait pas agi seulement par haine et par désir de vengeance. Un autre motif la poussait. La remise du papier ne s’effectuerait que sous certaines conditions.

— Asseyez-vous, je vous prie, dit-il, montrant ainsi qu’il acceptait le débat.

Prasville était un homme maigre, de visage osseux, auquel un clignotement perpétuel des yeux et une certaine déformation de la bouche donnaient une expression de fausseté et d’inquiétude. On le supportait mal à la Préfecture, où il fallait, à tout instant, réparer ses gaffes et ses maladresses. Mais il était de ces êtres peu estimés que l’on emploie pour des besognes spéciales et que l’on congédie ensuite avec soulagement.

Cependant, Clarisse avait repris sa place. Comme elle se taisait, Prasville prononça :

— Parlez, chère amie, et parlez en toute franchise. Je n’ai aucun scrupule à déclarer que nous serions désireux d’avoir ce papier.

— Si ce n’est qu’un désir, observa Clarisse, à qui Lupin avait soufflé son rôle dans les moindres détails, si ce n’est qu’un désir, j’ai peur que nous ne puissions nous accorder.

Prasville sourit :

— Ce désir, évidemment, nous conduirait à certains sacrifices.

— À tous les sacrifices, rectifia Mme Mergy.